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judiciaire contre l’auteur. Mal dirigé par ses conseils, qui ne l’avertirent pas des délais légaux, il perdit un temps précieux à réunir les matériaux de sa défense, et lorsqu’il voulut agir, il apprit trop tard que la prescription était déjà acquise au délit dont il demandait la réparation. Lord Bathurst lui conseillait d’employer la voix de la presse pour réfuter ses accusateurs, pour les convaincre de calomnie. Il ne suivit pas cet avis, et il eut tort sans doute, bien que de nombreux exemples autorisent à douter que le simple exposé de la vérité eût suffi pour faire tomber des mensonges qui flattaient les passions des partis et la malignité publique. Fort du sentiment de son innocence, fermement convaincu qu’il n’avait fait qu’accomplir son devoir et pouvant se rendre le témoignage d’être resté plus d’une fois en-deçà de la rigueur de ses instructions, il eût voulu que le gouvernement prit hautement sa défense et le protégeât par quelque faveur éclatante contre des accusations dont on semblait reconnaître tacitement la justice en le laissant dans l’inaction et dans l’oubli. Son insistance ne pouvait manquer de devenir importune. Lord Liverpool, qui, je ne sais pourquoi, l’avait pris en aversion, poussa son mauvais vouloir jusqu’à refuser, malgré lord Bathurst, de lui allouer la pension ordinairement accordée aux officiers placés dans la position où il se trouvait, et que son peu de fortune lui rendait presque nécessaire. Lord Bathurst, plus bienveillant, lui offrit le petit gouvernement d’Antigoa, que des considérations de famille ne lui permirent pas d’accepter. Enfin en 1825, après quatre années d’attente et de sollicitations, il obtint, non pas le gouvernement de Ceylan, mais l’emploi subordonné de commandant des forces militaires dans cette possession importante.

L’ancien gouverneur de Sainte-Hélène résidait déjà depuis trois ans à Ceylan, lorsqu’une circonstance singulière le décida à demander un congé. Walter Scott venait de publier son Histoire de Napoléon, et dans le récit de sa captivité, tout en s’attachant à disculper complètement le ministère anglais, il avait admis comme incontestables certains torts provenant de la prétendue irascibilité du gouverneur de Sainte-Hélène. Sir Hudson Lowe en fut d’autant plus blessé, que ce reproche prenait un caractère particulier de gravité sous la plume d’un écrivain aussi peu suspect de bonapartisme. Il s’empressa de retourner à Londres pour y chercher encore les moyens de se justifier. Lorsqu’il y arriva, les tories, un moment écartés du pouvoir par la défection et le triomphe de Canning, venaient d’y rentrer après sa mort ; le duc de Wellington était premier ministre, sir Robert Peel ministre de l’intérieur, et lord Bathurst président du conseil. Ce dernier détourna sir Hudson Lowe de la pensée qu’il avait eue de faire une réponse publique à Walter Scott. Pour le déterminer à reprendre