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révolutionnaires qui, suivant lui, exposaient ce gouvernement à d’extrêmes périls. « Ce n’est pas ainsi, disait-il, que s’opèrent les changemens de dynastie ; la prudence voulait que le roi se défit de tous les maréchaux… Labédoyère et Ney n’étaient pas les seuls dangereux[1]. »

Il signalait comme une grande faute le rappel des proscrits de 1815, des conventionnels surtout. Il n’avait pu se défendre de quelque satisfaction en voyant la royauté employer quelques-uns de ses anciens généraux ; « mais, disait-il après la chute de M. Decazes, à présent que le ministre jacobin est renvoyé, on fera bien de les renvoyer aussi. Hors de place, ils perdront toute leur influence, qu’ils ne devaient qu’à leurs emplois. »

La loi électorale du 5 février 1817, si chère aux libéraux, si odieuse au côté droit, lui paraissait un véritable attentat contre la monarchie et les droits du souverain ; suivant lui, elle devait avoir pour résultat de faire nommer les députés par la canaille. La loi sur l’avancement militaire, à laquelle s’est attaché le nom du maréchal Gouvion Saint-Cyr, et qui, repoussée d’abord par tant de préventions et de défiances, mais justifiée depuis par l’expérience, est devenue la plus inébranlable de nos institutions, cette loi, bien plus encore que la loi électorale, excitait l’indignation de Napoléon. Il lui reprochait d’exclure en fait de l’armée les hommes de naissance, d’éducation et de talent, en sorte qu’on n’aurait plus que des officiers sans-culottes ; il voyait un crime de lèse-majesté dans cette restriction des droits de la royauté proposée par un de ses ministres, ajoutant que si un des siens lui eût présenté un pareil projet pendant qu’il était sur le trône, il l’aurait fait punir comme un traître.

Il pensait que Louis XVIII ne vivrait pas assez longtemps pour être témoin de la chute de sa famille, mais qu’ayant assez de sagacité pour la prévoir, il se disait : « C’est l’affaire de mes successeurs, je puis résister moi-même, mais ils seront écrasés. » Il royait qu’auprès la mort de ce roi, la lutte principale serait entre le duc d’Orléans et le duc de Reichstadt. Il faisait à ce sujet cette réflexion singulière : « C’est un grand malheur pour la France que la vie de mon fils, car il a de grands droits. »

Les conspirations qui commencèrent en 1820 à agiter la France en même temps que des révolutions libérales bouleversaient le midi de l’Europe, ces conspirations où le bonapartisme et le jacobinisme se trouvaient coalisés, lui inspiraient très peu de sympathie. Il disait que si les conspirateurs eussent réussi à renverser les Bourbons, ils

  1. Quelques-unes de ces opinions de Napoléon se retrouvent dans les Récits de M. de Montholon, mais avec des modifications ou des additions qui en altèrent beaucoup le sens.