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l’apaisement qui s’était fait dans son esprit et la disposition où il était de s’arranger pour tirer le meilleur parti possible de sa situation, c’est le soin avec lequel il s’occupait alors des moyens de recomposer son entourage. Le général Bertrand et M. de Montholon, les seuls des premiers compagnons de son exil qui lui restassent encore, désiraient retourner en Europe et n’attendaient pour quitter Sainte-Hélène que le moment où ils seraient remplacés auprès de lui par d’autres serviteurs assez dévoués pour consentir à partager sa prison. Le général Drouot figurait au premier rang parmi ceux que Napoléon eût vus arriver avec plaisir. À son défaut, il eût désiré un autre officier-général ayant servi sous ses ordres directs, connaissant ses habitudes et son caractère, et en même temps un homme appartenant à la carrière civile, un ancien conseiller d’état, un ancien chambellan, un ecclésiastique même, ou bien un ami de sa jeunesse, dont l’intimité avec lui remontât à l’époque où il n’était encore qu’officier d’artillerie, pourvu qu’il eût de la gravité et un esprit cultivé. Il désignait également le duc de Vicence, le duc de Rovigo, M. de Ségur, M. de Montesquiou, M. Daru, M. de Turenne, le savant Denon, le poète Arnault. Il demandait, pour succéder à l’abbé Bonavita, que lui avait envoyé le cardinal Fesch, un prêtre plus intelligent, instruit, bien élevé, capable de discuter avec lui les questions les plus ardues et les plus profondes de la théologie. « Bien que je m’affaiblisse de jour en jour, disait-il, et que je sois très mal, je n’en suis pas encore au point de demander les secours de la religion : mais si j’en arrivais là, est-ce à un homme tel que l’abbé Bonavita que je pourrais m’adresser pour m’éclairer et obtenir une assistance spirituelle ? Qui sait ? Voltaire lui-même a demandé les consolations de la religion avant de mourir, et peut-être trouverais-je aussi de grandes consolations dans la société d’un ecclésiastique capable de me donner du goût pour des entretiens religieux qui pourraient me rendre dévot. » A la place du docteur Antonmarchi, qu’il ne pouvait plus souffrir, et qui pensait à retourner en Europe, il voulait un médecin vraiment savant, un de ceux qui, l’ayant soigné autrefois, comprenaient son tempérament, ou, si cela n’était pas possible, quelque médecin en chef d’armée indiqué par Desgenettes, par Percy, par Larrey surtout. Il insistait d’ailleurs beaucoup pour que sa famille ne fût pas chargée de ces arrangemens, comme elle l’avait été une première fois du choix de l’aumônier et du chirurgien dont il se montrait si peu satisfait. Sans doute, disait-il, il avait été naturel qu’on s’adressât d’abord à elle, mais l’impossibilité où elle était de communiquer avec la France la mettait hors d’état de s’acquitter convenablement d’une telle commission. Il fallait que les gouvernemens anglais et français s’en chargeassent eux-mêmes, le gouvernement