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fastidieux, et cependant je sens qu’il faudrait les multiplier beaucoup pour donner une idée même incomplète des querelles incessantes qui mettaient aux prises sir Hudson Lowe et son terrible prisonnier. La présence de trois agens étrangers fut encore pour le gouverneur une occasion de tracasseries et d’embarras pénibles. En vertu d’un arrangement conclu à Paris en 1815, la France, l’Autriche et la Russie avaient nommé des commissaires qui devaient résider à Sainte-Hélène et, sans être responsables de la garde de Napoléon, s’assurer de sa présence dans le lieu de sa relégation : tels étaient les termes de leur commission. En leur assignant des fonctions aussi peu déterminées et qui ne leur conféraient aucun pouvoir positif, on ne s’était évidemment pas rendu compte de la situation fausse où on les plaçait et des conséquences qu’elle entraînerait presque infailliblement. Sir Hudson Lowe les comprit du premier coup d’œil, et ce fut avec un véritable déplaisir qu’il vit arriver les commissaires. Napoléon ayant absolument refusé de les recevoir en leur qualité officielle, le gouverneur, s’appuyant sur des ordres venus de Londres, s’opposa constamment à ce qu’ils fussent admis auprès de lui en qualité de simples particuliers. Ils en furent très contrariés et ne se soumirent pas sans difficulté à cette prohibition. N’ayant plus dès lors rien à faire à Sainte-Hélène, ils durent se borner à envoyer à leurs cours une espèce de gazette des nouvelles plus ou moins exactes qu’il leur était possible de recueillir sur l’intérieur de Longwood. Comme ils ne pouvaient voir Napoléon, ils cherchèrent à se créer des relations avec ses compagnons de captivité, et ceux-ci, de leur côté, s’y prêtèrent d’autant plus volontiers, que c’était pour eux un moyen d’avoir avec le dehors quelque communication non absolument soumise au contrôle du gouverneur. Ces relations prirent peu à peu un certain caractère d’intimité. De part et d’autre, on croyait avoir à se plaindre de sir Hudson Lowe, et l’on peut supposer que les commissaires écoutaient avec complaisance les plaintes des Français exilés, ne fût-ce que pour provoquer des confidences plus explicites et se procurer ainsi des matériaux propres à rendre leurs dépêches plus piquantes. Sir Hudson Lowe s’effaroucha de cette espèce de connivence dont probablement il s’exagérait la portée. Sur les plaintes qu’il en fit, le cabinet de Vienne prit un prétexte pour rappeler son commissaire, le baron de Stürmer. Le comte de Balmain, commissaire de la Russie, sollicita lui-même son rappel. Le commissaire français, le marquis de Montchenu, resta seul à Sainte-Hélène jusqu’à la mort de Napoléon. C’était un ancien émigré, assez bon homme, mais d’un esprit très borné et dont la vanité se faisait de grandes illusions sur l’importance de la mission dont il était chargé. Après avoir subi pendant