Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/324

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réconciliation, lui fit proposer d’accepter entre eux la médiation de l’amiral, sir Hudson Lowe, dont le premier mouvement avait été d’accéder à cette proposition, suscita plus tard ou du moins se donna peu de peine pour aplanir des obstacles qui ne permirent pas d’y donner suite. Comme il l’expliqua à lord Bathurst, son motif véritable était la crainte que sir Pulteney ne l’engageât à trop de concessions. Il éprouva un véritable soulagement, lorsque, la durée du commandement de l’amiral étant expirée, il fut remplacé par un autre officier qui eut très peu de relations avec Longwood.

Il y avait certainement de l’exagération dans les ombrages que le brave commandant de la station inspirait à sir Hudson Lowe, mais je n’en dirai pas autant de ceux qu’il conçut d’un autre fonctionnaire anglais, destiné, malgré sa position subalterne, à jouer un rôle considérable dans la triste histoire dont j’esquisse ici le résumé. Le chirurgien O’Meara, se trouvant par hasard à bord du bâtiment qui transporta l’empereur à Sainte-Hélène, s’était offert à rester auprès de lui pour soigner sa santé et avait été accepté. Il n’était pourtant pas entré au service personnel de Napoléon, et il continuait à être considéré comme un chirurgien de la marine militaire, à la solde du gouvernement britannique. Résidant à Longwood même, où il avait à donner les secours de son art non-seulement à Napoléon, mais aux personnes qui l’avaient accompagné, il sut de bonne heure y inspirer confiance et s’y mettre sur le pied d’une grande intimité. Il est évident qu’il pensa dès ce premier moment à faire pour lui-même de cette position un moyen de fortune ; mais dans les commencemens il semblerait que ses vues et ses projets n’étaient pas ce qu’ils devinrent ensuite. Tandis que, par son activité officieuse et intelligente, il parvenait à se rendre l’intermédiaire quelquefois assez utile de communications délicates entre l’empereur et sir Hudson Lowe, il entretenait avec un des employés supérieurs de l’amirauté une correspondance confidentielle dans laquelle il l’informait, avec le plus minutieux détail, de tout ce qui survenait à Longwood. Comme il savait que cette correspondance était mise sous les yeux des ministres et même du prince-régent, il s’attachait à la rendre piquante en flattant les haines, en amusant la curiosité de ses nobles lecteurs par des récits qui peignaient sous un aspect peu favorable le caractère de ses malheureux patiens, sans en excepter le grand homme, dont il devait plus tard se faire l’ardent apologiste. Nous n’avons pas le texte de ces lettres, mais on doit penser qu’elles ne différaient pas, pour le fond, de certains rapporte qu’il adressait à la même époque au lieutenant-colonel sir Thomas Reade, un des principaux officiers de l’état-major du gouverneur. Il ne rougissait pas d’y révéler, d’un ton goguenard, les défaillances de prisonniers aigris par le malheur, affaiblis par la souffrance physique. Ses sarcasmes, parfois aussi