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des autres, et je sais que la judicieuse audace de lord John Russell lui a jusqu’à présent réussi.

M. Greg consent à la réforme. Celle de 1832 a porté ses fruits ; elle a mis légalement les classes moyennes en possession de la juste influence qu’elles n’acquéraient jusqu’alors que par une voie indirecte et laborieuse. Aucun inconvénient grave ne s’est manifesté. De bonnes choses et même de grandes ont été faites par le parlement réformé, et l’Angleterre a traversé, le front serein, le nuage orageux des révolutions qui couvrait l’Europe. Cependant la loi constitutive de la chambre des communes, conçue il y a vingt-trois ans dans certaines données qu’il fallait respecter alors, est pleine d’anomalies, d’incohérences, de lacunes. Elle est peu rationnelle dans ses principales dispositions, et se défend mal contre la critique. Si elle doit être amendée, c’est quand l’opinion ne l’exige point avec sa vivacité hautaine. La politique sera plus à l’aise, et mesurera plus librement ce qu’il faut donner de réforme. Ce sera une œuvre de réflexion et de prévoyance, non d’entraînement et de nécessité. Enfin et surtout on cherche ce qu’il faut tenter pour faire droit aux vieux de l’esprit démocratique. Quoi de plus simple que de lui dire : « Essayez vous-même, » en le mettant à l’œuvre ? Avec une nation forte et sensée, il n’y a qu’un maître, l’expérience ; il n’y a qu’un frein, la responsabilité. Que la démocratie soit admise à la gestion des affaires communes, qu’elle ait sa part de droits, mais sa part de difficultés ; qu’elle apprenne à se conduire à la même école où tous se sont formés. Cette école, c’est la vie politique. Une certaine portion de vie politique départie au peuple du travail l’élèvera et le contiendra tout à la fois. Il saura à quel prix s’achètent les améliorations durables. Qu’il voie d’un peu plus près le gouvernement, il se laissera mieux gouverner et sera gouverné mieux.

Parmi les dispositions de la législation électorale, il y en a d’étranges. Par exemple, le droit d’élire n’appartient pas toujours au citoyen, mais à sa commune, à son bourg. Un certain nombre de villes possèdent la franchise. Quiconque y jouit d’un revenu déterminé est électeur, mais il faut habiter le bourg. Partout ailleurs, avec la même capacité, la même fortune, en offrant les mêmes garanties, un Anglais ne serait pas électeur, s’il n’était à un autre titre électeur de comté. Capable dans une commune, il ne l’est pas dans une autre. La classification des villes ainsi dotées a été faite en tenant beaucoup trop de compte des droits acquis. On remarque des inégalités incroyables dans le nombre des électeurs comparé au nombre des élus, à ce point que dans un lieu cent soixante mille électeurs et six mille six cents dans un autre élisent le même nombre de membres. Enfin, si au moment de la réforme on a eu égard à l’état intellectuel de la