Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/271

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de George Ier, la basse église, dont l’esprit domina dans toutes les questions politico-religieuses importantes alors, n’était ni par ses sentimens ni par ses tendances une l’action aristocratique. Ce n’est point à l’aristocratie que Walpole, compromis par sa réforme de l’excise, sacrifia son projet financier pour sauver sa puissance ; ce n’est pas à l’aristocratie qu’il céda, lorsqu’il consentit à cette guerre d’Espagne qui le perdit : il obéit à la singulière passion belliqueuse qui s’était alors emparée de tout le commerce maritime. L’intérêt de la nation entière triompha dans la lutte de 1745 contre la tentative désespérée du prince Edouard. On peut assurément dire que, depuis la mort de Pelham jusqu’en 1790, il se passa trente-six ans pendant lesquels les compétiteurs du pouvoir agirent en maîtres trop absolus du monde politique, et souvent érigèrent des calculs ou des passions personnelles en intérêts d’état du premier ordre. Toutefois Pitt, qui passait pour un homme nouveau, tomba plutôt devant la cour que devant la noblesse. Sous les administrations qui suivirent jusqu’à la guerre d’Amérique, les questions des mandats d’arrêt généraux, des droits du jury en matière de presse, de ceux des électeurs en matière d’élection, qui agitèrent si violemment les chambres, étaient des questions de liberté qui intéressaient le peuple entier. La guerre d’Amérique elle-même fut pendant un temps nationale, et la couronne, plutôt que l’aristocratie, la poussa jusqu’à ses désastreuses extrémités. On a beau prétendre que la chambre des communes n’était qu’une représentation vaine et que les élections se faisaient sous la domination de la pairie et de la grande propriété. Il y a toujours dans une assemblée pareille un double principe d’indépendance : c’est l’ambition et le talent. Et jamais institutions, jamais société plus que les institutions et la société anglaises n’ont fait beau jeu au talent et donné carte blanche à l’ambition. Ces élections, souvent dérisoires au fond, avaient lieu sous les yeux de la multitude et manquaient rarement d’être accompagnées de quelque émotion démocratique. Malgré tout ce qu’on pouvait remarquer d’artificiel et d’extérieur dans le système électoral, c’est presque toujours l’opinion publique qui a maîtrisé le parlement. Si la réforme parlementaire eût été avancée d’un siècle, si la chambre des communes avait été dans toutes ses parties librement et sérieusement élue, la paix d’Utrecht n’aurait été conclue ni mieux ni plus tard ; les Stuarts sans doute n’auraient pas moins succombé en 1714 et en 1745 ; Walpole ne se fût pas vu plus vite appelé à réparer les finances, bouleversées avant lui ; la guerre de 1739 aurait été tout de même déclarée à l’Espagne. Il est douteux que la guerre de sept ans se fût prolongée davantage, et la paix qui la termina aurait difficilement été plus favorable à l’Angleterre. La reconnaissance de l’indépendance