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trouve sur le trône impérial un auxiliaire : après Arius, Nestorius ; après Nestorius, Eutychès, et l’on marche ainsi de persécution en persécution à la sanglante oppression des empereurs iconoclastes, après laquelle il n’y eut plus que le schisme suprême qui sépara pour toujours l’Occident affranchi et orthodoxe de l’Orient prosterné sous le double joug de l’erreur et de la force.

Mais que de maux et que d’amertumes pendant ces longs et sombres siècles et avant cette rupture finale ! Ce n’étaient plus des païens, c’étaient des chrétiens qui persécutaient le christianisme. Ce n’était plus du sein d’un prétoire ou d’un cirque que les empereurs, personnification de l’antique et implacable Rome, envoyaient les chrétiens aux bêtes ; c’était au sein des conciles et au nom d’une orthodoxie de contrebande qu’ils délibéraient leurs arrêts, marqués au triple coin de la chicane, de l’astuce et de la cruauté. Avant d’en venir aux exils et aux supplices, ils torturaient les consciences et les intelligences par des formulaires et des définitions. Les plus beaux génies et les plus nobles caractères de cette époque si féconde en grands hommes se consumaient en vain à raisonner avec ces casuistes couronnés, qui dogmatisaient au lieu de régner, qui sacrifiaient dans de misérables querelles et la majesté de l’église et la sécurité de l’état. L’exil devait sembler un soulagement à ces saints confesseurs, condamnés à discuter respectueusement avec de tels antagonistes. Pendant que l’empire s’écroulait et que les nations vengeresses entraient de tous côtés par la brèche, ces pitoyables autocrates, maîtres d’un clergé qui le disputait en servilité aux eunuques du palais, écrivaient des livres de théologie, dressaient des formulaires, inventaient et condamnaient des hérésies dans des confessions de foi elles-mêmes hérétiques[1]. Et comme si ce n’était pas assez de ces théologiens couronnés, il fallait encore endurer les impératrices qui se mêlaient à leur tour de gouverner les consciences, de définir les dogmes et de réduire les évêques. On vit un Ambroise aux prises avec une Justine et un Chrysostôme victime des folies d’une Eudoxie. Rien ne devait être trop insensé ni trop bas pour ce misérable régime.

On citera Théodose ; mais cette pénitence célèbre, qui fait tant d’honneur au grand Théodose et à saint Ambroise, quelle sanglante lumière ne projette-t-elle pas sur l’état de cet empire prétendu chrétien ! Quelle société que celle où le massacre de toute une ville pouvait être ordonné de sang-froid pour venger l’injure faite à une statue ! quel récit que celui des tourmens et des supplices infligés aux habitans d’Antioche avant que l’intervention de l’évêque Flavien

  1. Tels furent l’Hénotique de l’empereur Zénon en 432, condamné par le pape Félix III ; l’Ecthèse d’Héraclius, condamné par le pape Jean IV, et le Type de Constant, condamné par le pape saint Martin.