Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/186

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du pouvoir temporel en présence de l’église. Là n’apparaissait aucun symptôme de la transformation que la notion et l’exercice du pouvoir devaient un jour subir au sein des nations chrétiennes. Constantin et ses successeurs furent baptisés ; l’empire, la puissance impériale, ne le fut point. La main qui ouvrait aux chrétiens la porte du pouvoir et de la faveur fut celle-là même qui leur dressa des embûches, où toute autre église que l’immortelle épouse du Christ eût péri sans retour et sans honneur. Ces empereurs aspirèrent à devenir les maîtres et les oracles de la religion, dont ils ne pouvaient être que les enfans, ou tout au plus les ministres. À peine lui eurent-ils reconnu le droit de vivre, qu’ils se crurent investis du droit de la gouverner. Ces baptisés de la veille entendirent être les pontifes et les docteurs du lendemain. N’y pouvant réussir, ils recommencèrent à la persécuter pour le compte d’Arius, comme leurs prédécesseurs l’avaient fait pour le compte de Jupiter et de Vénus. Constantin lui-même, le libérateur de l’église, le président laïque du concile de Nicée, se lassa bientôt de la liberté et de l’autorité croissante de ces nouveaux affranchis. Gagné par les courtisans ecclésiastiques qui entouraient déjà son tronc, il exila saint Athanase, le plus noble et le plus pur des chrétiens. Ce fut bien pis sous ses successeurs. Écoutons Bossuet : « l’empereur Constance se mit à la tête des Ariens, et persécuta si cruellement les catholiques,… que cette persécution était regardée comme plus cruelle que celle des Déces et des Maximiens, et en un mot comme les préludes de celle de l’antéchrist… Valens, empereur d’Orient, arien comme Constance, fut encore un plus violent persécuteur, et c’est de lui qu’on écrit qu’il parut s’adoucir lorsqu’il changea en bannissement la peine de mort[1]… »

Il fallait que l’épreuve fût cruelle, car ce que l’on n’avait jamais vu jusque-là, ce que l’on n’a presque jamais vu depuis, on le vit alors : un pape faiblit. Libère, selon l’opinion commune, cède après une noble résistance aux tourmens de l’exil ; il sacrifie, non la vraie doctrine, mais le défenseur intrépide de la vérité, Athanase. Il se relève, il n’engage en rien l’indéfectible autorité de son siège, il ne compromet que la renommée de ses persécuteurs[2] ; mais à son nom on voit comme une ombre et comme un nuage passer devant cette colonne de lumière qui guide le regard de tout catholique lorsqu’il plonge dans les profondeurs de l’histoire.

Les violences, les exils, les massacres recommencent au Ve siècle, et se prolongent de génération en génération. Tout hérésiarque

  1. Bossuet, cinquième avertissement aux protestans, c. 18.
  2. Fleury, Histoire ecclésiastique, t. XVI, c. 48. — Le comte de Maistre, Du Pape, liv. Ier, c. 15.