l’autorité son prestige, au citoyen sa dignité, à Rome sa grandeur, à l’Europe civilisée la force de se défendre et de vivre ? Comment la puissance impériale, réconciliée avec l’église, tomba-t-elle de plus en plus dans le mépris et dans l’impuissance ? Comment cette alliance mémorable du sacerdoce et de l’empire ne sut-elle empêcher ni la ruine de l’état ni la servitude et le déchirement de l’église ?
Jamais il n’y eut de révolution plus complète, car ce ne fut pas seulement son émancipation que célébra l’église en voyant Constantin prendre le labarum pour étendard, ce fut encore une alliance intime et complète entre la croix et le sceptre impérial. La religion chrétienne cessait à peine d’être proscrite, que déjà elle devenait protégée, puis dominante. Le successeur de Néron et de Dèce allait siéger au premier concile général, et recevoir le titre de défenseur des saints canons. Comme on l’a dit, la république romaine et la république chrétienne joignaient leurs mains dans celles de Constantin[1]. Seul chef, seul juge, seul législateur de l’univers, il consentait à prendre des évêques pour conseillers et à donner force de loi à leurs décrets.
Le monde avait un monarque : ce monarque était absolu ; nul ne songeait à discuter ni à contenir son pouvoir, que l’église bénissait, et qui se glorifiait de la protéger. Cet idéal, si cher à beaucoup d’esprits, d’un homme devant qui tous les hommes se prosternent, et qui, maître de tous ces esclaves, se prosterne à son tour devant Dieu, on le vit alors réalisé. Cela se vit deux ou trois siècles, durant lesquels tout s’abîma dans l’empire, et l’église ne connut jamais d’époque où elle fut plus tourmentée, plus agitée et plus compromise.
Pendant que Rome impériale s’ensevelissait dans la fange, l’église avait vécu de la plus grande et de la plus noble existence, non pas, comme on se le figure trop, uniquement cachée au fond des catacombes, mais luttant héroïquement et au grand jour par les supplices et par les argumens, par l’éloquence et par le courage, par ses conciles[2] et ses écoles, par ses martyrs d’abord et surtout, mais aussi par ces grands apologistes qui se nommèrent saint Irénée, saint Justin, saint Cyprien, saint Clément d’Alexandrie, Tertullien, Origène, Eusèbe, Lactance, et qui surent rajeunir, en la purifiant, l’éloquence grecque et latine. La guerre lui avait si bien réussi, que, lorsqu’on lui offrit la paix, elle remplissait déjà toute la terre.
Mais après avoir si glorieusement traversé une bataille de trois siècles, comment va-t-elle s’y prendre pour résister à la victoire ? comment maintenir son triomphe à la hauteur de ces luttes ? comment ne