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L'EMPIRE ROMAIN


APRES LA PAIX DE L'EGLISE


FRAGMENT D'UNE HISTOIRE DES MOINES D'OCCIDENT.




Le peuple romain, vainqueur de tous les peuples et maître du monde, asservi pendant trois siècles à une série de monstres ou de fous à peine interrompue par quelques princes supportables, offre dans l’histoire le prodige de rabaissement et de la déchéance de l’homme. Ce fut en revanche un prodige de la puissance et de la bonté de Dieu que la paix de l’église proclamée par Constantin en 312. L’empire, vaincu par une foule désarmée, rendait les armes au Galiléen. La persécution, après un paroxysme suprême et le plus cruel de tous, allait faire place à la protection. L’humanité respirait, et la vérité, scellée par le sang de tant de milliers de martyrs, après l’avoir été par le sang d’un Dieu fait homme, pouvait désormais prendre librement son vol victorieux jusqu’aux extrémités de la terre.

Et cependant il est un prodige plus grand encore : c’est la décadence rapide et permanente du monde romain après la paix de l’église. Oui, s’il n’est rien de plus abject dans les annales de la cruauté et de la corruption que l’empire romain depuis Auguste jusqu’à Dioclétien, il y a quelque chose de plus surprenant et de plus triste : c’est l’empire romain devenu chrétien.

Comment le christianisme, tiré des catacombes pour être placé sur le trône des césars, n’a-t-il pas suffi pour régénérer les âmes dans l’ordre temporel comme dans l’ordre spirituel, pour rendre à