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tomba en Toscane, sous le grand-duc Léopold. C’est au nom du gallicanisme que Joseph II, si calomnié par la science superficielle de nos jours, déracina en Autriche le fanatisme et l’ignorance, et opéra, quoique trop brusquement, une foule de réformes radicales auxquelles ce pays sera redevable d’entrer un jour dans la famille des états libres. C’est au nom du gallicanisme que les abus les plus crians de l’ancien régime tombèrent, même à Naples et en Portugal, les pays d’obédience par excellence. C’est le gallicanisme qu’invoquait le savant évêque de Cordoue, Solis, comme l’unique remède à la décadence de l’église d’Espagne. C’était un gallican, cet héroïque Sérao, évêque de Potenza, qui périt assassiné pendant la réaction napolitaine qui suivit la retraite du général français Championnet, et dont la dernière parole fut un vœu d’alliance entre les idées nouvelles et la foi antique[1] !

Dans l’église catholique, le gallicanisme représente la réforme orthodoxe, unique voie de salut. Sans lui, notre pays serait aujourd’hui protestant. L’insurrection de la moitié de l’église au XVIe siècle, celle de la raison au XVIIIe, eurent pour première cause le règne imprudemment prolongé de la théocratie et l’acharnement de la politique romaine à défendre tous les abus du moyen âge. On ne reviendra à l’unité qu’avec le gallicanisme. L’assemblée de 1682, dans sa lettre circulaire au clergé de l’église gallicane, présente nos maximes nationales comme éminemment propres à ramener les réformés de l’hérésie, en dissipant leurs préventions sur la nature de l’autorité ecclésiastique. C’est le sentiment des plus éclairés parmi les protestans eux-mêmes. Le célèbre docteur anglican Leslie loue nos quatre articles « comme un puissant moyen de rapprocher les deux communions. » On sait combien Leibnitz penchait vers les doctrines catholiques, qu’il voyait dans le gallicanisme. Il eut avec Bossuet une intéressante correspondance sur la réconciliation des deux partis. Ces efforts n’aboutirent pas, mais avec nos ultramontains Leibnitz n’aurait pas même ouvert la négociation. La profonde et sûre métaphysique du catholicisme allait à son génie ; il donnait raison à notre église dans toutes les discussions abstraites. Cependant, sur la fin de sa vie, quand Port-Royal eut succombé, quand l’altier despotisme de Louis XIV eut consommé la révocation de l’édit de Nantes pour se faire pardonner sans doute 1682, quand les jésuites, maîtres du pouvoir, étendirent la persécution des protestans à la meilleure partie de l’église gallicane, alors Leibnitz, catholique par les idées, recula définitivement devant la communion de l’intolérance ultramontaine. Au commencement de ce siècle, lorsque

  1. Son biographe rapporte qu’il mourut au cri de « vive la foi de Jésus-Christ ! vive la république ! » Vie de Sérao, p. 98, Paris 1806.