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Historiquement toutefois, il serait injuste de ne pas reconnaître que le concordat de 1516 vint à son heure, qu’il seconda ce mouvement énergique de centralisation qui préparait l’unité de la France et l’égalité civile à l’aide même du despotisme royal. Pour arriver à la liberté vraie, commune à tous, il fallait déraciner les libertés locales et aristocratiques du moyen âge. L’église subit la destinée de l’état. Quand un régime imparfait en soi s’accorde avec les tendances générales d’une époque, celles-ci le redressent, et peuvent lui permettre de se produire ; encore avec quelque grandeur. Ajoutons que le concordat portait avec lui quelques correctifs. L’église gallicane avait deux maîtres, le roi et le pape ; mais comme ces maîtres étaient rarement d’accord, il se conserva quelque indépendance à l’ombre de leurs dissensions. Les évêques retinrent longtemps un juste sentiment de leur dignité, de leurs droits, inscrits dans l’Evangile. La science avait ses prérogatives, et il y avait encore une Sorbonne où florissait l’étude de la sainte antiquité. Les officialités, sans représenter les tribunaux de la primitive église, gardaient du moins la forme des jugemens réguliers. Le scandale de ces juridictions arbitraires, devant lesquelles on se trouve condamné avant de savoir que l’on est accusé, n’avait pas encore affligé la société spirituelle. L’autorité des parlemens était une nouvelle et puissante garantie. Quoi que prétende l’ignorance ou la mauvaise foi, ils mirent le même zèle, le même courage à défendre le gallicanisme religieux que le gallicanisme civil : nul ordre de l’église ne réclama en vain leur protection. Grâce à la force de la tradition gallicane, le concordat n’empêchait point l’acte de 1682, qui peut en être regardé comme la critique la plus solennelle. Il laissait à l’église de France les grands évêques du XVIIe siècle et cette admirable école de Port-Royal, dont quelques erreurs spéculatives, bien surpassées par celles de leurs adversaires, ne doivent faire oublier ni les services ni les vertus consacrées par le malheur.

C’est dans le XVIIIe siècle que l’abus de livrer les dignités ecclésiastiques à la noblesse fut porté au comble. Le marquis de Bouillé, dans ses Mémoires, en fait l’aveu. « Dans ces derniers temps, dit-il, les évêques n’étant plus choisis que parmi la jeune noblesse de la cour et des provinces, le clergé avait perdu une partie de sa considération. » A la messe solennelle pour les états-généraux, un de ces évêques, parlant du haut de la chaire chrétienne, laissa échapper ces paroles : « Recevez, Seigneur, les prières du clergé, les vœux de la noblesse et les humbles supplications du tiers-État. » L’aristocratie cléricale, envahie par l’ultramontanisme, avait laissé tomber les études ecclésiastiques, la discipline et les mœurs. Qu’avait-elle opposé à Voltaire et à l’armée des encyclopédistes ? L’église de saint Louis, de