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concile de Bâle, le concordat qui livrait les dernières libertés de l’église fut conclu entre Léon X et François Ier en 1516, à la veille de la réforme. Pie II tenait à expier l’ardente profession qu’il avait faite autrefois des principes gallicans. La pragmatique-sanction de Bourges avait le tort impardonnable d’empêcher les trésors de la France de passer les monts ; elle sanctionnait les décrets du concile de Bâle, qui mettait l’église au-dessus des papes ; elle retirait à la cour de Rome la domination et l’argent. Des prélats ambitieux secondèrent le pape. Il n’était que trop facile de décider Louis XI, qui n’aimait guère la liberté ; il trouvait que la pragmatique « avait bâti un temple de licence en son royaume. » Il l’abolit ; un exemplaire fut traîné dans les rues de Rome, et le pape en pleura de joie. Cependant elle ne put être d’abord remplacée. Louis XII la laissa subsister, et la France ne subit qu’en frémissant le concordat de François Ier.

On répétait partout que Léon X et François Ier s’étaient donné réciproquement ce qui ne leur appartenait pas, — le pape cédant au roi le spirituel par la nomination des évêques, et le roi lui accordant le temporel par le rétablissement des annates ; le pape usurpant les droits de l’église, et le roi, ceux de la nation. François Ier avait convoqué un grand nombre d’évêques et de prélats pour la réception du concordat. Ils lui soutinrent courageusement que, la matière regardant l’état général de l’église gallicane, on ne pouvait rien faire sans elle. Le roi se courrouça fort ; il menaça les évêques de les envoyer à Rome disputer avec le pape. Au parlement, l’opposition ne fut pas moins énergique. « Le roi et le pape, dit l’avocat du roi, Lelièvre, ne peuvent déroger aux droits de l’église gallicane, et sont lesdits droits hors de leur compétence. » François Ier imposa de force l’enregistrement. « Je ne veux pas en France, s’écriait-il, de sénat comme à Venise. » Mermel, recteur de l’Université de Paris, fit afficher aux carrefours de la ville une défense aux imprimeurs et libraires d’imprimer et de débiter le concordat, sous peine d’être chassés de l’Université. On dit que François Ier, à son lit de mort, exprima à son fils Henri II ses remords d’avoir trempé dans cette transaction sacrilège. À l’assemblée du clergé de 1585, l’archevêque de Vienne comparait Léon X et François Ier aux soldats qui se partagèrent les vêtemens de Jésus-Christ. Les protestations contre le concordat ne cessèrent de s’élever, au XVIe et au XVIIe siècle, du sein des états-généraux et des assemblées du clergé. En 1608, l’usage subsistait encore dans plusieurs diocèses, notamment ceux du Mans et de Clermont, de faire des prières publiques pour l’abolition du concordat et le rétablissement des élections. Ce vœu se retrouve, à l’extrémité de notre ancienne histoire, dans les cahiers des bailliages et des sénéchaussées pour les états-généraux de 1789.

Une opposition si générale et si constante suffirait pour prouver que,