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divin, une primauté réelle d’honneur et de juridiction, que la souveraineté ne réside point dans un homme, ni dans une fraction quelconque, mais dans le corps entier de l’église, et subsidiairement dans le concile œcuménique qui la représente, — et qu’en général tout doit se régler, autant que possible, selon l’esprit de l’ancienne discipline, qui fut celle des temps héroïques du christianisme, discipline que la fraude des fausses décrétales et le malheur des temps avaient suspendue sans en détruire l’autorité. C’est au consentement de l’église, non des seuls évêques, que la déclaration de 1682 attache l’infaillibilité. Quant à la discipline apostolique, elle fut toujours le vœu des gallicans. « Qui nous donnera, s’écrient-ils avec saint Bernard, de voir l’église de Dieu comme dans les anciens jours ? » Ce régime si constamment réclamé offrît, au sein des ténèbres et de la servitude païenne, le premier et le plus parfait modèle des gouvernemens libres : les magistratures spirituelles conférées au mérite par l’élection, le suffrage universel éclairé, tempéré par l’influence des plus dignes, l’accord divin de l’ordre et de la liberté, un organisme admirablement ordonné dans ses trois parties essentielles, laïques, prêtres, évêques, tous avec leurs fonctions et leurs droits, leur part de pouvoir et de responsabilité. Voilà le but auquel tendit toujours le gallicanisme religieux.

En principe, il n’est ni moins radical ni moins grand que le gallicanisme civil : mais il ne parvint point à s’asseoir aussi profondément dans les faits : l’ancien ordre social ne le permettait pas. Le gouvernement primitif de l’église, sans exclure le bel ordre d’une hiérarchie divinement instituée, était au fond trop populaire et trop libéral pour s’accorder suit avec la féodalité, soit avec la monarchie pure de Louis XI, de Richelieu et de Louis XIV. Tout en invoquant les maximes et les exemples des premiers siècles, nos plus savans, nos plus libéraux canonistes insistent principalement sur les droits des évêques, beaucoup moins sur les droits tout aussi réels, quoique moins étendus, des prêtres et des laïques. Ce n’est guère que de nos jours, depuis que le peuple a conquis des droits dans l’état, que l’attention s’est reportée sur ceux que lui assure l’antique et divine constitution de l’église. Les droits des laïques ont été éloquemment revendiqués en France par un philosophe catholique, M. Bordas-Demoulin, en Allemagne, par le chanoine Hirscher. M. Bordas-Demoulin surtout nous parait avoir établi sur d’irréfragables preuves que le laïcisme, qui représente plus particulièrement la raison naturelle, forme un des pouvoirs constitutifs de l’église, et qu’on la mutile en lui retranchant ce pouvoir. Nous signalons ce premier et favorable augure d’une renaissance catholique en harmonie avec les besoins de la société actuelle.

Par cela seul que le gallicanisme religieux choquait les bases politiques