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la théocratie qui pesait encore sur la pensée gallicane. Si le gallicanisme se fût dégagé d’un funeste alliage, l’Europe n’eût pas été ensanglantée par les guerres de religion. La révocation de l’édit de Nantes n’eût pas suivi de près la déclaration de 1682. Bossuet, avec tout le clergé de France, n’aurait point applaudi à cet acte, le plus anti-gallican, de quelque manière qu’on l’envisage. Enfin les parlemens ne porteraient pas la responsabilité de tant d’exemples d’intolérance qui ont obscurci leur gloire, fourni des armes à leurs détracteurs et fait trop oublier leurs éminens services.

En ne repoussant pas l’intolérance, le gallicanisme était aussi inconséquent que l’ultramontanisme le serait en reconnaissant la tolérance ; mais si l’ancienne France n’éleva point jusqu’au faîte l’édifice de la liberté religieuse, elle en posa le premier fondement, qui sera toujours l’entière indépendance du pouvoir civil. Elle rapprocha la société de l’idéal chrétien, en arrachant le glaive des mains des prêtres, en brisant cette théocratie, renouvelée du judaïsme, dans laquelle le génie abusé de Grégoire VII voyait le règne de Dieu sur la terre. Le gallicanisme tendait invinciblement au régime de la tolérance. Quand le temps fut venu de consacrer les droits naturels de la conscience et de la pensée, les disciples de Bossuet et de Port-Royal, héritiers fidèles des traditions gallicanes, se rallièrent des premiers autour de l’assemblée nationale de 1789, proclamant la liberté des cultes. C’était le terme des progrès accomplis par nos pères, le prix de leurs efforts héroïques, la conséquence nécessaire de leurs maximes. Le gallicanisme était victorieux dans l’ordre civil, grâce à la révolution ; mais dans l’ordre religieux de plus longues épreuves lui étaient réservées.


II

La seconde partie du gallicanisme, la partie ecclésiastique ou purement religieuse, embrasse la souveraineté de l’église et les maximes de son gouvernement spirituel. Ces questions ne sont point étrangères à la sécurité des états ou à l’intérêt général de la civilisation. L’esprit qui anime au dedans le corps ecclésiastique règle nécessairement ses rapports extérieurs avec le monde et avec les pouvoirs publics. Jamais les états modernes ne vivront dans une concorde parfaite avec l’église catholique tant que le régime oppresseur qui prévaut dans cette église sera en désaccord avec leurs propres institutions. Ici encore le gallicanisme, par les principes qu’il consacre, par les réformes qu’il provoque, ne sert pas moins la cause du progrès social que celle de la religion même. Il enseigne que l’église n’admet point d’autorité arbitraire ou despotique, bien que le saint-siège, centre de l’unité catholique, possède, de droit