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pleurer à haute voix. Mason se précipita sur elle et lui porta un coup terrible. Mary s’évanouit, et lorsqu’elle s’éveilla, elle était en pleine campagne, assise dans une voiture aux côtés de son époux, qui écumait de rage. Il arracha l’enfant des bras de sa mère, et lui donna un nouveau coup, qui provoqua un nouvel évanouissement. Lorsqu’elle revint à elle, elle flottait sur les eaux d’une étroite rivière. Elle parvint à gagner le rivage, et après bien des marches pénibles, bien des souffrances, bien des longues semaines de maladie, elle s’embarqua pour la Californie, où elle supposait que s’était réfugié son infâme époux. Longtemps elle le chercha en vain dans les hôtels et les tavernes, dans les bouges où s’assemblent les joueurs et les voleurs, et cette multitude d’aventuriers sanguinaires qui désolent de leurs crimes le nouvel état. Un soir, elle entra dans un hôtel de Stockton où cette société sans foi ni loi avait l’habitude de se réunir, et arriva au moment où se passait une de ces disputes sanglantes qui se terminent par un assassinat à ciel ouvert et subséquemment par la justice expéditive de la loi du Lynch. Autour du comptoir, une foule compacte se pressait autour de deux hommes qui se disputaient violemment. Soudain l’un d’entre eux brandit un couteau, frappa et s’ouvrit un passage au milieu de la foule, saisie d’horreur, qui s’écarta et découvrit aux regards de Mary la victime de l’assassin. Elle s’approcha et regarda : Edouard était couché par terre, baigné dans son sang.

— Edouard ! mon époux ! parlez à Mary, à votre femme ! Oh ! mon Dieu ! il est mort ! — Et elle tomba évanouie auprès du corps de son époux.

L’évanouissement passé, elle fut introduite dans l’appartement où son mari agonisait. Il regardait Mary avec des yeux qui exprimaient à la fois l’horreur et l’étonnement, — Mary, dit-il, êtes-vous donc sortie du tombeau pour venir accuser votre meurtrier, ou êtes réellement vivante encore ?

— Je vis, Edouard, je suis encore votre femme. Je vous pardonne tout ce que vous m’avez fait : où est l’enfant ?

— l’enfant ? Je l’ai noyé, reprit Edouard ; son corps repose dans l’Hudson, et son âme est allée où vous le rejoindrez, Mary, mais où son père ne le rejoindra jamais.

En disant ces mots, le misérable expira.

Après sa mort et au moment où Mary allait quitter Stockton, l’hôtesse lui remit une petite boite. — Voici, dit-elle, une boite que Jackson (c’était le nom californien d’Edouard) m’a chargée de vous remettre. « Promettez-moi, m’a-t-il dit, de la lui donner en personne, et surtout, mère, je vous en conjure, ne parlez pas de cela aux camarades. » Mary trouva dans la boite les preuves de son mariage et