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entière, de l’abolition des privilèges, de l’abolition des classes, de l’abolition du droit d’aînesse, en un mot, de la révolution.

Voilà le prix dont se paient les changemens que réclame la situation actuelle de l’Angleterre. Tous ces jeunes nobles qui, au dedans et au dehors du parlement, font de la démocratie et du socialisme en amateurs, n’ont pas l’air de connaître l’arme à deux tranchans avec laquelle ils font joujou, et qui un jour leur coupera les doigts. Le système dont ils demandent la réforme est intimement lié aux institutions aristocratiques, et les institutions aristocratiques sont le fondement même de la société anglaise.

Aussi croyons-nous que l’avènement d’un ministère nouveau, qui est loin d’être composé d’hommes nouveaux, n’apportera point des changemens sensibles dans la situation de l’Angleterre. Lord Palmerston, parmi les facultés variées et brillantes que nous nous plaisons à lui reconnaître, n’a probablement pas celle de pouvoir procréer cent mille hommes en vingt-quatre heures. De son côté, lord John Russell, si libéral qu’il soit, n’en est pas moins en même temps le plus grand aristocrate des trois royaumes. Le parlement lui-même, tel qu’il est aujourd’hui composé, est trop solidaire des institutions établies pour vouloir jamais les soumettre à une transformation qui serait une révolution. Un parlement nouveau, réélu dans les mêmes conditions, ne ferait que donner les mêmes résultats. C’est pourquoi nous croyons qu’il ne se passera pas un bien longtemps avant que la sourde agitation qui fermente dans le peuple anglais, prenant une forme et une voix plus intelligibles, ne demande, comme principe de toutes les réformes, celle du corps électoral et de la représentation nationale.


JOHN LEMOINNE.