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militaire russe, qui ne sera jamais impossible à rétablir, que dans le développement de marines capables de la surveiller et de la maintenir qu’il faut chercher des garanties pour l’inviolabilité de l’Orient. La marine autrichienne est des mieux placées pour remplir cette mission, et l’abréviation de la route des Indes sera pour elle une raison de grandir. L’affluence des bâtimens marchands de l’Adriatique dans l’Océan Indien mettra le pavillon impérial dans la nécessité de les suivre pour les protéger. L’Autriche se plaira dans l’accomplissement de ces devoirs, elle ne demande qu’à mettre sa marine en état de rendre au pays autant de services qu’aucune des autres branches de sa puissance militaire.

L’Italie surtout, avec une autre organisation, apporterait dans ce concert européen un contingent puissant. Toute morcelée qu’elle est, elle n’en possède pas moins des élémens d’établissement naval qui, s’ils étaient réunis, la placeraient immédiatement après l’Angleterre et la France sur l’échelle des puissances maritimes de l’Europe. Sa population nautique comprend 108,000 matelots, et son matériel 16,400 bâtimens jaugeant 486,000 tonneaux[1]; mais ces navires, sortant peu de la Méditerranée, se tiennent trop près de leurs ports d’attache pour jamais cesser d’être les uns pour les autres des Toscans, des Napolitains ou des Vénitiens. Se rencontrant dans les mers lointaines dont le percement d’une nouvelle route maritime leur ouvrirait l’entrée, ils seraient des Italiens et contracteraient des liens de confraternité, qui, chez un peuple appelé par la configuration de son territoire à une grande puissance navale, deviendraient le principe d’une union plus féconde. Les Pisans, les Génois et les Vénitiens ont régné, malgré leurs divisions, sur la Méditerranée : c’est aujourd’hui sur l’Océan qu’ils doivent se donner la main.

Les peuples de race latine sont sur l’Océan dans une infériorité marquée vis-à-vis des peuples de race anglo-saxonne. Ils sont sur la

  1. Ces chiffres n’ont pas l’exactitude de recensemens simultanés et faits suivant des règles identiques. A défaut d’opérations d’ensemble qui ne s’exécutent point en Italie, il faut se contenter de l’addition de documens partiels recueillis à des époques diverses, mais peu éloignées. C’est ainsi qu’est formé le tableau suivant de la marine marchande de l’Italie :
    États Sardes 3.173 navires 177.822 tonneaux 30.252 marins
    Toscane 911 — 37.307 — 10.000 —
    États Romains 1.323 — 26.300 — 8.080 —
    Royaume de Naples 6.803 — 166.523 — 40.308 —
    Royaume de Sicile 2.371 — 6.674 — 12.206 —
    Royaume Vénitien 1.810 — 31.741 — 7.000 —
    Totau 16.391 navires 486.567 tonneaux 108.346 marins