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humaine. L’état présent des choses est la conséquence d’un état de choses plus ancien qui s’est fixé en s’éteignant. Les causes de changement qui ont déplacé les mers, modifié la forme et l’étendue de la terre ferme, altéré les lois du règne végétal, agissent encore maintenant à la surface du globe. Le système des bouleversemens, des changemens à vue, des interruptions et des reprises est aujourd’hui abandonné par tous les géologues sérieux; nul d’entre eux ne croit plus que l’époque actuelle marque un point d’arrêt dans la série des révolutions du globe : le grand, le seul révolutionnaire de la nature, c’est le temps, et le temps, comme dit Bacon, est un fleuve qui coule toujours. La flore carbonifère, si différente qu’elle soit de la flore actuellement vivante, a préparé les élémens de notre géographie botanique; les végétaux conservés dans nos houillères à l’état d’empreintes ont avec les plantes qui couvrent et qui distinguent aujourd’hui nos régions tempérées des relations intimes de parenté naturelle : le tombeau de la végétation et de la vie en est à la fois le berceau.

Les études économiques ont besoin du secours de la géologie : non-seulement cette science enseigne au mineur l’ordre et la position des couches qui recèlent les richesses souterraines, non-seulement elle éclaire les pas de l’industrie dans cette voie obscure et donne à l’homme la clé des magasins profonds dans lesquels la terre a fait pour ses habitans futurs une si abondante provision de combustible, mais encore elle nous élève à la connaissance des grandes lois qui gouvernent aujourd’hui sur le globe les productions animées et inanimées. Les anciens événemens géologiques ont donné naissance aux différens climats, aux vastes plaines et aux hautes montagnes, à la direction des fleuves, aux contours des côtes maritimes; les rapports de la prospérité industrielle des nations avec l’histoire de la terre sont de toutes parts visibles : il en est de même de l’influence de la composition des roches sur la nature du sol et de la nature du sol sur le caractère des habitans. L’élément agricole ou industriel des terrains a tracé les principaux groupes des métiers, limité les races, retenu les populations dans des habitudes communes et locales, déterminé les différens degrés de richesse et d’intelligence, créé en un mot, par la division des forces et du travail, les organes variés de la civilisation. C’est la géographie qui fait les mœurs, et par géographie nous devons entendre aussi bien la structure profonde de la terre que la constitution superficielle du sol cultivé par l’homme. Les ressources économiques d’une nation, l’étendue de son territoire, son caractère, son histoire, sa vie dome8tiqvie, ses moyens de tactique militaire, ses conditions hygiéniques, la forme et le style de ses monumens ne sont point étrangers à la configuration