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préservateurs ne sont point infaillibles, car les catastrophes succèdent aux catastrophes. Il suffit de la moindre imprudence pour déterminer les accidens les plus graves : un palefrenier qui avait ouvert sa lampe de sûreté près d’une mare où il allait puiser l’eau nécessaire à ses chevaux, provoqua (on le croit du moins) une inflammation de gaz qui tua soixante personnes. D’autres fois c’est en allumant leur pipe que les ouvriers donnent lieu aux explosions meurtrières. Il existe en quelque sorte des coups de feu périodiques; mais, parmi les sinistres récens, le plus considérable qui soit resté dans la mémoire des mineurs, c’est celui qui éclata en 1850 à la houillère des vingt-quatre actions, et dans une veine où jusque-là on n’avait pas soupçonné la présence du grisou : soixante-seize ouvriers périrent.

Dans la province de Liège, il existe encore un autre ennemi contre lequel le mineur doit se tenir en garde : ce sont des amas d’eau et de gaz dans d’anciens travaux qui ne figurent sur aucune carte. Pour éviter ces funestes rencontres, nos pionniers souterrains se font précéder par des sondages dans les tailles où les accidens sont à craindre. Enfin un danger qui existe partout, c’est de mettre le feu à la mine. Certaines houilles, lorsqu’on les laisse en tas, s’échauffent graduellement, et finissent par s’enflammer; la grande quantité de bois qui soutient le faîte des galeries et qui donne aux mines belges l’air d’un édifice cryptique en construction, peut devenir, dans les cas d’imprudence, une cause active d’incendie. L’imagination s’effraie à l’idée d’un tel désastre. On a recours alors à différens moyens pour attaquer l’incendie : on cherche à noyer le feu dans l’azote ou dans l’acide carbonique; on bouche les orifices des puits; le plus souvent on inonde la mine en y introduisant une rivière. Il y a des exemples de mines incendiées, puis éteintes; il y en a de mines embrasées et qui brûlent toujours. Entre Namur et Charleroi, près d’un petit endroit qui porte le nom de Falizolle, vous n’avez qu’à demander où est la Terre de Feu; on vous conduira sur la crête d’une colline située au sud du village. A la fumée qui s’élève de terre, surtout vers le soir, aux émanations de gaz qui remplissent l’air, vous diriez, en approchant, une miniature du Vésuve. La neige qui tombe fond en touchant la terre; à vos pieds, à travers les soupiraux formés par les crevasses du terrain, vous apercevez des matières embrasées, puis vous rencontrez des dépôts de fleur de soufre dispersés çà et là sur un sol volcanique. Les habitans de l’endroit parlent avec une vague terreur de cette «terre qui brûle. » Il paraît que la présence du feu est due à l’incendie d’un gîte houiller, incendie latent qui persiste depuis 1823, tout en s’éloignant du point de départ; heureusement les progrès du feu sont lents. La plupart de ces embrasemens de mines remontent à des époques assez éloignées et à des événemens