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de cette exploitation industrielle, qui se compose de plusieurs charbonnages réunis. Il est curieux de suivre à côté de cela le mouvement des petites industries parasites qui vivent sur les grandes branches de production et de richesse matérielle. Autour des puits d’extraction en activité, un groupe de femmes, jeunes, vieilles, en haillons, accroupies comme les sorcières de Shakspeare, fouillent avec leurs mains la terre et les scories des fourneaux, pour recueillir dans des corbeilles ou dans leur tablier bleu les miettes de la mine tombées sur le chantier de travail et dédaignées : ce sont les glaneuses de charbon.

Au couchant de Mons, tout change : la mine du Grand-Hornu nous présente encore une face nouvelle de l’industrie, une cité ouvrière, une monumentale usine, des constructions géantes, dont le style architectural rappelle l’art romain par la grandeur et la simplicité du caractère. Les mineurs disent ordinairement d’un puits d’extraction qu’il travaille bien quand il envoie au jour de 2 à 3,000 hectolitres de houille en douze heures. Le puits n° 12 au Grand-Hornu envoie à lui seul, en douze heures, 5 ou 6,000 hectolitres de houille, qui sont apportés à la lumière par un système de translation nouvellement introduit en Belgique, celui des cages. Pour quiconque a vu fonctionner cet appareil intelligent, l’ancien cuffat n’est plus qu’un procédé barbare digne tout au plus de l’enfance de l’art. Dans quelques années, le cuffat ira rejoindre le groupe des vieilles machines, ces invalides de l’industrie houillère dont le sort ressemble à celui des vieux chevaux, car elles font aujourd’hui dans les mines les services d’un ordre inférieur. Le versage du tonneau avait entre autres inconvéniens celui de briser les blocs de houille, tandis que, par le système des voitures élevées au jour dans des cages, on obtient le combustible dans l’état où il sort des mains de l’ouvrier et tel qu’il a été chargé au fond de la mine.

Il existe vraiment une Belgique souterraine. Dans la province de Liège par exemple, l’intérieur de la terre n’est guère moins habité que la surface. Environ 13,000 ouvriers descendent dans des puits qui n’ont pas moins de 2,000 à 2,200 pieds de profondeur. Le mineur liégeois a beaucoup de caractère; autrefois, pour s’éclairer dans la fosse, il collait contre son chapeau l’argile de la boule dans laquelle était fixée une chandelle. Aujourd’hui des lampes d’un système particulier ont remplacé ces lumières nues, surtout dans les mines dangereuses. Dans la province de Liège comme dans les environs de Charleroi, on rencontre en effet un nouvel ennemi dont la présence ne s’était point décelée dans les charbonnages de Mariemont : cet ennemi, le plus cruel du mineur, c’est le grisou. Dans l’origine, quand les travaux des houillères n’étaient portés qu’à de