Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/1193

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui fait le travail de 110 chevaux : c’est la matière qui remue la matière, c’est le charbon qui extrait le charbon. Vus de l’intérieur de la mine, les puits d’extraction ont un aspect colossal et imposant : debout sur la vaste margelle, un ouvrier lié par le milieu du corps saisit au-dessus du gouffre qui s’enfonce toujours et attire à lui une immense tonne nommée cuffat, dans laquelle viennent se vider incessamment les petits chariots manœuvrée par les enfans. Ces cuffats au ventre énorme, emportés alors par une vitesse relativement grande, vont se décharger à la surface du sol, où ils se renversent d’eux-mêmes et où ils vomissent la houille, qui est reçue dans des brouettes par des hommes, des femmes, des enfans. La mine de Mariemont produit chaque jour, par ses six puits, 13,000 hectolitres de charbon de terre.

Avec les moyens dont disposent aujourd’hui la science et les arts mécaniques, on a atteint des profondeurs qui semblaient jusqu’ici inaccessibles à l’homme. Les puits de Mariemont (et ce ne sont pas les plus profonds de la Belgique) descendent à 1,908 pieds au-dessous de la surface de la terre. Ce n’est point encore la limite probable des travaux : il est question de pénétrer maintenant à 700 mètres; on ira toujours ainsi jusqu’à ce que l’on rencontre le calcaire qui forme la base du terrain houiller. En Angleterre, quelques mines s’étendent par plusieurs galeries sous la mer; les ouvriers entendent, au-dessus de leur tête, le roulement des galets; le lit de l’Océan est assez profond dans ces endroits-là pour que de lourds vaisseaux chargés passent et repassent entre deux tempêtes. Malgré la hardiesse de ces effrayans travaux, l’homme est obligé de s’avouer qu’il n’a fait encore qu’égratigner l’épiderme de sa planète. La nature rit de la faible portée de nos percemens, elle qui tient les mystères de l’intérieur du globe scellés à des distances inconnues sous l’impénétrable granit. On a calculé que, du côté de Liège, le fond du bassin houiller seulement devait être à 1,300 mètres du niveau de la terre; il reste donc encore à creuser. Pour peu que les travaux continuent à s’enfoncer de quelques milliers de pieds, il deviendra bientôt trop long de descendre et de remonter deux fois par jour 13 à 1,400 ouvriers; on trouvera plus simple de les laisser dans ces lieux bas. Quelques mineurs envisagent déjà cette perspective sans crainte et presque sans étonnement. On ferait, disent-ils, des logemens pour les ouvriers, comme on construit dès maintenant des chambres souterraines destinées à l’installation des machines, des chaudières et des animaux. Dans l’état actuel des choses, les produits de la combustion traversent un puits et quelquefois une galerie, : il ne serait donc point impossible d’établir des cuisines au fond des houillères. L’imagination des ouvriers belges y place surtout des estaminets où