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A la vue de cette différence énorme entre l’étendue de la Rome de Romulus et l’enceinte de Servius Tullius, il est impossible de s’en tenir à ce que nous apprend l’histoire, et de ne placer que trois règnes entre Romulus et Tarquin l’Ancien. Je croirais aussi volontiers qu’en un siècle le Paris des Mérovingiens est devenu le Paris de Philippe-Auguste. Il a dû nécessairement s’écouler un temps plus long entre la première fondation de Rome par des pâtres latins et le moment où le grand égout, le grand cirque et un mur de trois lieues furent construits par les rois étrusques. Il y a là dans l’histoire une lacune impossible à méconnaître comme à combler. Peut-être Rome s’accrut-elle insensiblement sous la domination des Sabins, et tout ce temps, que la vanité nationale n’avait aucun intérêt à rappeler, fut-il représenté vaguement par le règne d’Ancus Martius, règne assez dénué d’événemens et vide comme les années de la servitude.

Si l’on admettait, selon l’hypothèse de M. Mommsen, que le commerce a joué un rôle dans les commencemens de Rome, c’est pendant cette époque, assez longue et assez peu remplie d’événemens,. désignée par le règne d’Ancus Martius, qu’il faudrait placer, je pense, un développement commercial obscur. Cela expliquerait comment à la fin de cette période, dont on ne sait presque rien, la population de Rome aurait atteint un si prodigieux accroissement. Les Romains, subjugués une seconde fois par les Sabins, auraient, dans cette situation dépendante, remplacé l’ardeur belliqueuse qu’ils avaient montrée sous des chefs choisis par eux, Romulus et Tullus Hostilius, par les occupations pacifiques du commerce. Pourquoi eussent-ils été fort empressés de guerroyer pour un maître étranger ? De son côté, ce maître dut les encourager dans cette activité paisible, favorable à la sécurité de sa domination. Ancus fit cependant quelques conquêtes; mais, chose à remarquer, presque toutes se dirigent du côté de la mer et semblent avoir un but commercial. Il fortifie le Janicule, qui assure la navigation du Tibre; il fonde le port d’Ostie, il établit des salines; sous lui, le peuple romain prospéra, la population s’accrut, et c’est ainsi que le second roi sabin a pu laisser dans cette Rome où il était étranger un renom populaire, et être pour le poète Ennius le bon Ancus.

L’architecture romaine fut d’abord étrusque, les monumens de l’époque des rois l’attestent visiblement, et même longtemps après que l’art romain avait reçu les enseignemens de la Grèce, lorsque ces enseignemens l’avaient élevé lui-même à la plus grande perfection sous Auguste, tout souvenir de l’architecture étrusque n’avait pas péri. Un morceau considérable du mur qui entourait le Forum de cet empereur nous montre encore l’appareil des murailles étrusques. Ce reste de mur s’élève à côté des trois magnifiques colonnes corinthiennes du temple de Mars Vengeur, bâti par Auguste, et montre le