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creusés dans l’intérieur des collines et forment de véritables appartemens souterrains. L’Égypte offre aussi de gigantesques exemples de cette sorte de sépulcres. Les tombes des rois, près de Thèbes, sont des demeures creusées dans la montagne ; seulement ici on ne trouve pas des appartemens, mais des maisons à plusieurs étages : tout prenait en Égypte des proportions immenses. Il existe en Étrurie de ces tombes qui sont assez considérables et qui contiennent jusqu’à vingt chambres, on pourrait presque dire vingt chambres à coucher, car dans chacune d’elles reposait un mort enveloppé de sa robe ou couvert de son armure. Au contact de l’air entrant pour la première fois dans ces profondeurs murées depuis tant de siècles, M. Visconti a vu, avec un étonnement mêlé d’une sorte d’effroi, des cadavres de deux mille ans s’affaisser sur eux-mêmes et disparaître en ne laissant qu’un peu de poussière. Les sépultures romaines n’ont pas offert de semblables spectacles ; cependant quelques-unes des plus anciennes sont aussi creusées dans le sol et disposées en chambres funéraires : tel est par exemple le tombeau des Scipions. Néanmoins dans ces chambres les corps n’étaient point couchés sur des lits, ils étaient enfermés dans des tombes de pierre. Les Romains ensevelissaient ou brûlaient les cadavres ; ils ne les conservaient point en les embaumant, comme faisaient les Égyptiens et, à ce qu’il paraît, les Étrusques. Ils fortifiaient leur corps pour la vie présente, dans laquelle ils concentraient toute leur activité et tout leur espoir ; peu assurés et peu soucieux d’une vie ultérieure, ils se résignaient à n’y être que des âmes sans corps, des apparences, des larves vaines. Les Égyptiens au contraire, et vraisemblablement comme eux les Étrusques, peuple plus mystique, plus occupé de la pensée d’une seconde vie, mais ne pouvant se figurer l’existence d’un esprit entièrement dépouillé d’organes, voulaient assurer à la personne matérielle une perpétuité, symbole et peut-être gage à leurs yeux de la personne spirituelle.

Une autre différence entre les tombeaux étrusques et les tombeaux romains montre, à côté de certains rapports, la différence du génie des peuples qui les élevèrent. Dans les tombeaux étrusques comme dans les sépultures égyptiennes, tout est fait pour l’intérieur : les murs sont couverts de peintures et d’inscriptions que nul œil mortel ne doit contempler ou lire, car l’entrée du monument sépulcral a été fermée et cachée avec soin. Souvent même on a pris, en pratiquant une fausse porte, des précautions qui doivent rendre l’accès du tombeau impossible aux vivans ; c’est donc au mort seul qu’on a destiné la décoration de son asile funèbre, c’est pour lui qu’on y a déposé les bijoux, les ornemens, les armes, les vases précieux peints quelquefois avec un art infini, et destinés à d’éternelles