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fut promptement attaqué par nos troupes. Le siège présentait beaucoup d’analogie avec celui de Zaatcha, quoique peut-être avec des difficultés moindres; mais la rare vigueur du général Pélissier mit bientôt fin à la résistance. Un double assaut, parfaitement combiné, nous rendit maîtres de la place. Les 1er et 2e de zouaves eurent la plus grande part dans l’honneur et dans les pertes de la journée; huit officiers et cent vingt-trois hommes étaient hors de combat dans les deux régimens, et un de leurs capitaines, M. Menouvrier-Defresne, était entré le premier dans la ville. C’étaient toujours les zouaves de Constantine et de Zaatcha.

Mais une épreuve bien autrement décisive les attendait. Au mois de mars 1854, ils quittaient l’Algérie, pleins d’enthousiasme; ils appartenaient à l’armée d’Orient! Nos vieilles bandes africaines allaient se trouver en face de cette armée qui nous avait si chaudement disputé les champs de bataille d’Eylau et de la Moskowa, à côté de cette infanterie anglaise dont nous avions souvent éprouvé à nos dépens l’inébranlable solidité. Ceux qui les connaissaient les voyaient partir avec anxiété, mais avec une pleine confiance dans leur valeur, dans leur patriotisme, dans leurs traditions; cette confiance n’a pas été trompée. Il n’y a aujourd’hui dans toute l’Europe qu’un cri d’admiration pour l’armée française. L’organisation de nos états-majors, de nos cadres, de nos services administratifs, notre mode d’avancement, de recrutement, toutes nos lois, toutes nos institutions militaires ont frappé les esprits par leur sagesse et leur harmonie, et tous les corps de notre armée ont noblement rempli leur tâche; courage, patience, industrie, ténacité, aucune vertu guerrière ne leur a manqué. Et les zouaves! quel Français peut lire sans joie et sans orgueil ce qu’en disent les correspondances anglaises, soit qu’elles les suivent « grimpant comme des chats » sur la falaise de l’Alma, soit qu’elles nous les montrent « bondissant comme des panthères » dans les broussailles d’Inkerman ! De quels hourras furent-ils salués par les gardes de la reine quand cette héroïque brigade, épuisée par sa magnifique défense, vit apparaître dans le brouillard « le vêtement bien connu des troupes algériennes[1] ! » A peine les avait-on aperçus qu’ils étaient au plus épais de la colonne russe….. Mais nous avons rempli notre tâche; à d’autres reviendra l’honneur de raconter cette guerre qui bientôt peut-être appartiendra à l’histoire, car le moment approche, nous l’espérons, où le drapeau des zouaves, qui a flotté le premier sur la brèche de Constantine, de Zaatcha et de Laghouat, sera planté sur les murs de Sébastopol.


V. DE MARS.

  1. « The well known garment of The algerine troops. »