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provinces. La guerre, en effet, était partout. Si la puissance d’Abd-el-Kader n’avait fait qu’effleurer la province de Constantine, et si une partie des tribus y acceptaient déjà le principe de notre autorité, il restait cependant à transformer ce principe en fait, à le faire respecter, à châtier et à combattre des tribus kabyles sauvages et belliqueuses, ou des hordes vagabondes et insaisissables. Dans les provinces d’Alger et d’Oran, la situation stratégique améliorée donnait déjà d’importants résultats. A l’occupation de Medeah et de Miliana s’était ajoutée celle de Mascara et de Tlemcen, et ces places, mieux approvisionnées, devenaient la base d’opérations incessantes. Les principaux points de ce qu’on est convenu d’appeler la ligne du Tell étaient en notre pouvoir : nous avions détruit les établissemens créés par Abd-el-Kader à la lisière du désert, à Saïda, à Tiaret, à Boghar, à Thaza; mais nous n’avions encore obtenu des tribus aucun acte de soumission. Le pays se vidait à notre approche, et nous n’y trouvions que des combattans. Pour réduire ces populations, pour les frapper dans leurs intérêts matériels, il fallait être plus mobile que les nomades, plus agile que les Kabyles, plus fort et plus valeureux que tous. Enfin, dans le courant de 1842, tant d’efforts commencèrent à porter leurs fruits; un grand nombre de tribus posèrent les armes. A partir de ce moment, nous cessâmes d’être aux prises avec l’Algérie tout entière; mais l’hostilité des tribus qui continuaient à résister n’en fut que plus vive. La guerre s’envenimait en prenant le caractère d’une guerre civile, et ce redoublement de haine et d’ardeur donna lieu à de sanglans combats. Au mois de septembre 1842, au moment où la vallée du Chéliff venait d’être pacifiée, le général Changarnier soutint tout près de ce fleuve, dans les gorges de l’Ouarsenis, une des luttes les plus longues et les plus difficiles qu’aient enregistrées nos annales d’Afrique. Elle dura sans relâche pendant trente-six heures, et le général Changarnier sut la terminer par un brillant succès, tandis que bien d’autres eussent peut-être été heureux d’en ramener les débris de leur colonne. Il y a eu peut-être des actions plus importantes en Afrique, il n’y a pas eu de journée où chefs et soldats aient montré plus d’audace, de sang-froid et d’intelligence. Le 1er bataillon de zouaves, conduit par son colonel, prit une part glorieuse au combat de l’Oued-Foddah. Là tombèrent le capitaine Magagnosc, vieux soldat qui, parti d’Afrique avec la croix d’officier, venait d’y retourner volontairement, non par ambition, mais par goût pour les nobles émotions de la guerre; le lieutenant Laplanche, sorti tout récemment de l’école d’état-major, fils d’une pauvre famille, devant à son seul mérite la bourse que lui avait donnée le duc d’Orléans, et qui, après avoir passé le premier tous ses examens, avait obtenu, comme faveur, de servir dans les zouaves, et tant d’autres qu’il faudrait tous nommer...