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expériences ont confirmé les lois établies par Newton sur les couleurs des lames minces.

Avant la tempête révolutionnaire de la fin du siècle dernier, le financier d’Augny possédait une opale arlequine d’une grande beauté. C’était un ovale élégant de 21 millimètres de longueur sur 15 à 16 millimètres de largeur. Estimée parfaite de tout point, cette pierre avait une grande célébrité. Je ne sais si d’Augny courut, comme le sénateur Nonius, des risques de proscription pendant la terreur, mais à coup sûr ce ne fut pas pour son opale sans pareille. Les sales proscripteurs de 93, qui vendaient à l’étranger le trésor de Saint-Denis et de plusieurs autres basiliques pour 80,000 francs, ne songeaient pas aux opales donnant toutes les couleurs de l’iris céleste.

Le Régent, avant l’époque du vol. des diamans de la couronne, eut cependant l’honneur d’être présenté au peuple, ou si l’on veut, à la populace du temps. Voici comment on avait organisé cette exhibition. Une petite salle basse avait été disposée de manière à permettre aux passans d’entrer facilement et de demander, au nom du peuple souverain, à voir et à toucher le beau diamant de la couronne de l’ex-tyran. Alors, par un petit guichet semblable à ceux qui servent à recevoir le prix des places dans les théâtres, on passait au citoyen ou à la citoyenne en guenilles le diamant national retenu dans une solide griffe d’acier avec une chaîne de fer fixée en dedans de l’ouverture par laquelle on le présentait aux visiteurs. Deux hommes de police déguisés en gendarmes fixaient à droite et à gauche leurs yeux de lynx sur le possesseur momentané de la merveille de Golconde, lequel, après avoir soupesé dans sa main une valeur estimée 12 millions dans l’inventaire des diamans de la couronne, reprenait à la porte sa flotte et son crochet pour continuer d’explorer les balayures vidées aux portes des maisons. J’ai plusieurs fois obtenu la permission d’assister aux visites des diamans de la couronne, et j’ai toujours eu la négligence de ne pas en profiter. — Comment! monsieur, me disait un pauvre ouvrier jardinier, vous n’avez pas eu dans la main le Régent de France; mais moi et tous mes amis nous l’avons vu et touché tant que nous avons voulu pendant la révolution ! — Cet homme me disait qu’on laissait entrer dans la pièce basse en question un nombre quelconque de visiteurs, mais qu’en cas de bruit il n’eût pas fait bon de se trouver là-dedans!

L’opale d’Augny, dont je n’ai vu nulle part l’estimation, est passée, il y a déjà longtemps, entre les mains d’un amateur distingué, le comte polonais Waliski. L’opale de Nonius, que celui-ci dans sa fuite précipitée choisit seule entre tous ses trésors pour l’emporter avec lui, avait été estimée sestertium viginti millibus, ce qui, d’après la