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vu qu’en vertu du droit féodal toute propriété non desservie par des mâles faisait retour au suzerain. Le domaine de la couronne, enrichi de cette façon pendant le cours des siècles, est devenu très considérable; mais, d’après les livres écrits sur les finances de l’Autriche, la régie des biens de l’état en Hongrie est pitoyable, et ne rend pas le quart de ce qu’on en devrait tirer sans peine. Si faible que soit le produit, un service de 2,400 employés en absorbe les cinq huitièmes. Le mieux qu’on a pu faire a été d’en détacher des parcelles dont on consacre le prix à l’extinction de la dette publique. On a réalisé ainsi 78 millions de francs de 1829 à 1842. Le gouvernement impérial a triple avantage à battre monnaie avec des biens presque improductifs, à se débarrasser d’une administration rongeuse, et à favoriser une puissante compagnie, qui augmentera le produit des impôts en développant la prospérité du pays.

Deux mots seulement sur les bases financières de l’opération. Conçue et lancée avec cette sûreté de coup d’œil et cette puissance d’initiative qui caractérisent les habiles fondateurs du Crédit mobilier, la Société autrichienne, impériale, royale, privilégiée des chemins de fer de l’état (ce titre est bien autrichien) réunit dans son conseil d’administration dix-huit personnes placées en première ligne dans l’ordre financier, tant en France qu’en Allemagne. Elle a pour objet l’exploitation pendant quatre-vingt-douze ans des chemins de fer, mines et domaines, acquis ou à acquérir, tant en Autriche que dans l’Europe orientale. Son capital est de 80 millions de florins, au change de 2 fr. 50 cent, soit 200 millions de francs. Dans ce chiffre, les voies ferrées sont comprises pour 170 millions, les mines et usines pour 30 millions. Les prix sont atténués par diverses faveurs octroyées à la société, par exemple un délai de trois années sans intérêt pour le paiement, l’exemption des impôts sur le revenu des chemins de fer pendant cinq ans, et sur celui des mines pendant dix ans; l’exemption pendant cinq ans de la moitié des droits de douane sur les rails et matières brutes nécessaires à la construction ou à l’entretien des chemins; la facilité d’introduire en franchise une valeur de 3,750,000 francs en matériel et en outillage; enfin des stipulations très avantageuses quant aux tarifs et aux obligations du service. La société a calculé que toutes ces immunités représentent une bonification de 10 pour 100 sur le prix d’achat, de sorte que le capital effectif ne serait que de 180 millions. Or, comme le gouvernement autrichien garantit une annuité de 10,400,000 francs, cette somme suffirait pour assurer un revenu dépassant 5 pour 100, plus l’amortissement, caution surabondante, puisque l’intérêt normal est déjà couvert par le produit immédiat d’un seul des deux chemins.

L’achat du chemin de fer de Vienne à Raab, le prolongement de