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consommation locale, estimée à 20 millions d’Hectolitres. On en récolterait aisément le double, si l’on parvenait à ouvrir des débouchés. Les chevaux, dont on sait la réputation, les bestiaux, les cuirs, les laines, qui sont de bonne qualité, mais très négligées, le lin, le chanvre, le tabac, la potasse, le bois, les richesses minérales, offrent au génie industriel des ressources dont on ne connaît pas les limites.

A l’époque où la Hongrie était considérée, par rapport au commerce, comme étrangère à l’Autriche, les échanges entre ces deux parties de l’empire étaient constatés par les tableaux de douanes. En 1840, le montant réuni des importations et des exportations était déjà, suivant M. de Tegoborski, de 240 millions de francs. Six ans plus tard, le total s’était élevé à 300 millions[1]. Nous ne savons pas encore dans quelle proportion le libre échange accordé depuis deux ans a accéléré ce mouvement d’affaires. A l’intérieur, le commerce se fait dans de grandes foires, procédé fort arriéré, mais favorable à un chemin de fer, puisqu’il nécessite de continuels déplacemens. Les principaux marchés forains de la Hongrie sont au nombre de 26. Pesth, qui ne comptait que 40,000 habitans au commencement du siècle, et qui en a 150,000 aujourd’hui, a par année quatre foires qui attirent plus de 30,000 personnes, et on estime qu’à chacune d’elles les transactions dépassent 10 millions de francs.

Une circonstance particulière à la Hongrie donne aussi de l’importance à la circulation vicinale. Après l’établissement des Turcs en Europe, le pays devint ce qu’avait été l’Espagne au moyen âge, un champ de bataille sans cesse exposé aux incursions des infidèles. Au lieu de se répandre dans les campagnes à proximité des cultures, la population dut se grouper dans des centres fortifiés : il fallait être en force et avoir les armes sous la main pour exécuter les travaux des champs. Au lieu d’une multitude de villages de deux ou trois cents feux, tels qu’on les voit dans l’Europe centrale, il se forma en Hongrie un petit nombre de campemens où les cultivateurs se retranchèrent par groupes de 30 à 50,000. Depuis le traité de Carlowitz, qui a précipité la décadence des Turcs, c’est-à-dire depuis cent cinquante ans, il n’y a plus de ce côté l’ombre d’un danger. Néanmoins les habitudes étaient prises : l’émulation n’était pas assez vive parmi les paysans pour qu’ils changeassent leur manière de

  1. Importation d’Autriche en Hongrie, en 1846. 153,654,000 francs
    Exportation de Hongrie en Autriche, même année 146, 560,000 »
    300,214,000 francs.

    Les deux tiers des échanges entre la Hongrie et les provinces allemandes se font par la Basse-Autriche, c’est-à-dire en passant par Vienne. (Extrait d’un mémoire sur la Hongrie, adressé au ministre du commerce par M. Chapelet, dans les Annales du Commerce extérieur, Autriche, n° 7.)