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locomotives. La société, qui n’a pas encore eu le temps d’inventorier ses richesses, n’a donné aucun renseignement sur ces mines : c’est une discrétion assez rare en affaires, et dont il faut lui savoir gré. En attendant, nous recommanderons aux personnes que ces détails intéressent une excellente étude sur les ressources minéralogiques de la Bohême, écrite il y a une douzaine d’années par M. Michel Chevalier[1]. Beauté remarquable des lignites dans la Marche silésienne, excellente qualité de la houille dans le bassin de Radnitz, où se trouvent les gisemens de Kladno et de Brandeisel, boisage à peu de frais, eau peu abondante, salaires à très bon marché, en un mot bénéfice probable de 150 pour 100 sur le prix de revient, tels sont les faits constatés par M. Michel Chevalier, qui est toujours un écrivain intéressant, même lorsqu’il ne songe qu’à être un ingénieur.

La Bohême, c’est le côté sérieux et prosaïque de l’affaire : on pourrait dire que la Hongrie en est la poésie. Certes, dans un pays si bien situé, si richement doté, l’imagination du spéculateur peut se donner carrière.

Une compagnie de transport, chargée par une espèce de privilège de féconder la Hongrie tout en l’exploitant, aura pour tributaires une contrée vaste comme les trois cinquièmes de la France, et une population de quinze millions d’âmes[2]. On peut se faire une idée des ressources du sol en recourant aux notes de voyage prises sur les lieux par le maréchal de Raguse. Il est tout d’abord ébloui, entre Vienne et Pesth, par la richesse naturelle du pays. Entre le Danube et la Theiss, les terres lui semblent plus fertiles encore, bien qu’il leur reproche d’être parfois malsaines, en raison d’un excès d’humidité auquel le drainage remédierait aujourd’hui. Parvenu dans le banat de Temesvar, il admire « un sol riche et profond qui ne s’épuise jamais. Le Delta du Nil ne présente pas à la vue une apparence plus belle. » Dans les recueils spéciaux de documens relatifs au commerce[3], le sentiment qui domine est une sorte d’étonnement des résultats obtenus malgré la mauvaise économie du régime féodal. Lorsque la question des subsistances était à l’ordre du jour en Angleterre, on y a calculé que la Hongrie mieux cultivée fournirait aisément à l’étranger 20 millions d’hectolitres de grains, ce qui représente, au point de vue du commerce des transports, un poids de 1,500,000 tonnes. Le défaut de routes et les taxes de douanes ont empêché l’exportation des vins. On n’en produisait que pour la

  1. Dans les Annales des Mines, 4e série, tome Ier.
  2. En y comprenant les provinces qui politiquement viennent d’être détachées de la Hongrie, mais qui, au point de vue du commerce, restent des dépendances hongroises.
  3. Annales du Commerce extérieur. Voir passim les treize numéros relatifs à l’Autriche.