Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/993

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et ses affluens. Un des produits les plus singuliers est le sucre d’érable, qui découle d’un arbre, et dont on nous a montré plusieurs spécimens. On consomme annuellement, aux États-Unis et au Canada, 20 millions de kilos de ce sucre. Tout le monde a pu lire, dans les Pionniers de Cooper, une description curieuse de la manière dont on le récolte. Les pieds qui le produisent s’épuisant rapidement par les saignées et n’étant pas renouvelés par des plantations, on peut prévoir le moment où l’espèce aura disparu. Espérons qu’il n’en sera pas de même des autres essences.

Les bois de la Guyane anglaise ont été représentés par de superbes échantillons, qui font regretter que notre propre Guyane n’ait à peu près rien envoyé ; les mêmes richesses naturelles doivent se retrouver dans les deux pays contigus. L’épaisseur extraordinaire de la couche végétale, la chaleur des tropiques, l’humidité entretenue par les longues pluies, tout contribue à faire de la Guyane une des contrées du monde les plus propres à la production des grands végétaux. Parmi les arbres de ses forêts, il en est un, le mora excelsa, le plus gigantesque de tous, qui s’élève, dit-on, jusqu’à 45 mètres. « Sur le cours supérieur du Barrima, dit un voyageur, les moras sont en si grand nombre, que toute la marine de la Grande-Bretagne pourrait être reconstruite en bois de mora, sans épuiser les forêts qui avoisinent la rivière. Ce fait est d’autant plus digne de considération, que le Barrima est navigable pour des embarcations tirant douze pieds d’eau, ce qui permet aux bateaux de se charger sur le point même où les arbres sont abattus. » Le même voyageur ajoute que les touffes du mora apparaissent de loin, comme des collines couvertes de verdure, et qu’un seul de ses pieds représente la végétation de toute une forêt. Le commerce des bois de la Guyane anglaise commence à prendre de l’extension, tandis que la nôtre ne vend encore que quelques bois d’ébénisterie. Elle exporte en outre du sucre, de la mélasse et du rhum, et a maintenant 135,000 habitans ; la nôtre en a tout au plus 20,000, même en comptant les détenus qu’on y a récemment transportés.

Parmi les produits ligneux qui nous sont venus de cette région, il en est un qui paraît exciter de grandes espérances, la fibre textile qu’on retire du bananier. Ce végétal, car on ne peut pas l’appeler un arbre, passait déjà avec raison pour un des plus utiles ; M. de Humboldt a calculé que, sur la même surface, un champ de bananiers portait vingt-cinq fois plus de matière nutritive pour l’alimentation humaine qu’un champ de froment. J’ai peine à croire à une différence si grande, même en rabattant beaucoup, c’est encore bien beau. Voici maintenant qu’une nouvelle richesse s’annonce ; on évalue à des quantités non moins frappantes ce qu’un hectare de bananiers