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avons vus arriver en si grande abondance à l’exposition. On a voulu nous rassurer sur les conséquences de la guerre, en nous montrant ce que le Nouveau-Monde, à défaut de l’ancien, peut nous offrir ; les Anglais comptent d’ailleurs trop bien pour se priver des bénéfices que peut leur rapporter la vente de leurs bois coloniaux.

Le Canada exporte déjà pour 50 millions de bois par an, qui vont presque tous en Angleterre, et il pourrait en exporter bien davantage, si l’on en juge par le trophée où il avait réuni ses richesses forestières. On vante surtout le pin blanc, qui atteint une hauteur de 50 mètres, ce qui le rend excellent pour la mâture, et une espèce de bois qu’on appelle dans le pays épinette rouge ou tamarac, et qui parait être un mélèze, qu’on dit éminemment propre aux constructions navales. Ce qui prouve la vérité de ces assertions, c’est que la construction des navires est une des industries les plus florissantes du pays. Le seul port de Québec a construit, en 1853,50 bâtimens jaugeant 50,000 tonneaux, et le tonnage total de la navigation canadienne, soit sur la mer, soit sur les lacs et fleuves, arrive déjà à des quantités incroyables. Tout à côté du Canada se trouvent les principaux chantiers des États-Unis, maintenant les premiers du monde, qui doivent employer les mêmes bois, puisque leurs forêts se touchent. La marine marchande y atteint aujourd’hui le chiffre inouï de 5 millions de tonnes, c’est-à-dire six fois la nôtre, qui n’est que de 800,000. Parmi les causes de ce prodigieux développement figure sans nul doute le bon marché des matériaux ; un navire construit dans les ports des États-Unis, et probablement aussi dans ceux du Canada, ne coûte que 300 fr. la tonne, tandis qu’il revient à plus de 500 en Angleterre et en France. Notre commerce usera sans doute du droit qui lui est donné d’acheter des navires tout faits dans ces ports ; le taux du fret, qui était devenu exorbitant, ne peut baisser promptement qu’à cette condition.

Le Canada possède en même temps d’excellens bois pour les constructions civiles. Le noyer noir, l’érable ondé, le merisier rouge, peuvent servira I’ébénisterie. D’admirables ouvrages de tonnellerie qui ont fait partie de l’exposition montrent à la fois la bonne qualité des bois et l’habileté des ouvriers qui les travaillent. Toutes ces variétés d’arbres poussent ensemble ; on a eu soin de nous prévenir que des 64 échantillons d’espèces diverses exposés par le docteur Dickson, la moitié avaient été recueillis sur une étendue de 40 hectares seulement, et que le Canada presque tout entier formait une semblable forêt. Les colons sont obligés de s’y frayer un passage le fer et la flamme à la main. Le lumbering, ou exploitation de ces forêts primitives, occupe en hiver des milliers de bras ; d’immenses trains descendent de toutes parts, lors de la fonte des glaces, le Saint-Laurent