Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/988

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle doit l’être par le bon père de famille, elle représente par des aménagemens, des réserves, des repeuplemens artificiels, des assainissemens, des travaux de routes, toute une série d’épargnes et de dépenses.

Une autre erreur moins explicable est généralement répandue en France ; on ne voit guère dans les forêts que du combustible, et on néglige, je ne sais pourquoi, leurs autres produits. Une foule d’industries emploient cependant le bois comme matière première : la navigation, la charpente, la menuiserie, le charronnage, l’ébénisterie, en exigent tous les ans des masses énormes. Notre première et notre dernière demeure, le berceau qui nous reçoit à notre naissance et le cercueil qui renferme notre dépouille inanimée, sont en bois. Le bois forme nos meubles les plus usuels : la table où j’écris, le fauteuil où vous me lisez, le plancher de nos appartemens, le volet qui nous abrite, la porte qui s’ouvre aux amis et se ferme aux ennemis, la voiture qui nous transporte, le navire qui vole pour nous sur les mers. On a dit que la civilisation d’un peuple se mesurait à la quantité de fer qu’il consomme, on pourrait en dire autant du bois. Plus la population s’accroît, plus il en faut. Plusieurs arbres nous fournissent en outre des produits spéciaux : les uns portent des fruits nourrissans, comme la châtaigne, la noix, la datte ou le coco ; d’autres donnent des matières tinctoriales, comme le quercitron ou le campêche ; celui-ci produit le liège, celui-là la résine, cet autre la gomme ou le caoutchouc, cet autre enfin le quinquina. Quelques-uns ont des fleurs éclatantes ou suaves qui nous charment par leurs couleurs ou par leurs parfums. Tous nous ombragent et nous défendent contre le soleil et les vents. Ils enclosent nos héritages, ornent nos jardins, embellissent nos paysages, et ce qui met le comble à leurs services, ils exercent sur les climats, quand ils sont bien placés, une action bienfaisante, en contribuant à la salubrité de l’air, à la fertilité du sol et à la bonne distribution des eaux.

La plupart des nations étrangères ont parfaitement compris la valeur de cette production. Il nous est venu de tous les côtés de nombreuses collections forestières. La palme de cette partie de l’exposition appartient aux colonies anglaises. Le Canada, l’Australie, la Guyane, le Cap, l’Inde, ont rivalisé de zèle, et leur empressement se conçoit sans peine. L’Europe occidentale manque de bois. L’Angleterre et la France, qui sont les deux grands peuples importateurs, ne savent presque plus où s’approvisionner. L’Angleterre est depuis longtemps déboisée, la France n’a guère plus que des taillis. Tout le midi de l’Europe n’a rien à donner ; dans le nord, la Suède et la Norvège commencent à s’épuiser, au moins dans les parties