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Grande-Bretagne parce que le sentiment national m’a emporté ; dear, dear land, dit Shakspeare. J’aurais dû, pour être juste, faire passer avant nous les pays qui, sans égaler tout à fait l’Angleterre, nous sont encore supérieurs. La Belgique, les Pays-Bas, la Suisse, la Saxe, la Lombardie, la Bohême, forment un groupe de trente millions d’hectares qui se rapproche beaucoup de la Grande-Bretagne pour la production ; la population moyenne y est égale à 100 habitans par 100 hectares, tandis que la nôtre n’est que de 68. La France n’occupe en réalité que le troisième rang.

Le produit brut moyen de la Belgique est égal au produit anglais, bien qu’il soit obtenu par d’autres procédés, car c’est par excellence le pays de la petite propriété et de la petite culture. La viande et le grain y constituent les cinq sixièmes de la production, un sixième est formé de plantes industrielles ; ce sont ces dernières qui ont les honneurs de l’exposition, car on se résout peu en général à exposer de la paille et du foin, comme l’ont fait sans façon les Anglais. Les lins surtout sont d’une beauté rare. J’ai remarqué en même temps avec plaisir des céréales, des légumes et des fourrages obtenus dans les parties les plus arides de la Flandre et du Luxembourg. La Belgique a entrepris depuis peu de mettre en valeur ses terres incultes, et elle y réussit rapidement, grâce à un ensemble de mesures dont l’exemple serait bon à suivre, si notre orgueil national nous permettait d’emprunter quelque chose à qui nous a tant emprunté. Heureux pays, qui, dans les dernières convulsions de l’Europe, a su conserver l’ordre, la liberté et la paix, et qui ne souffre que du mal des pays prospères, l’excès de population !

La richesse principale des Pays-Bas consiste dans leurs pâturages et conséquemment dans leur bétail ; leur véritable exposition a donc eu lieu au concours des animaux reproducteurs, où leurs vaches, les plus belles du monde, ont excité une légitime admiration. Ils n’ont à peu près rien envoyé au palais de l’industrie en fait de produits agricoles. C’est dommage, car la nation hollandaise ne connaît de supérieure en culture que la nation anglaise, et elle a la gloire de l’avoir devancée ; l’Angleterre a tout appris à son école, même la liberté, qui est la mère du reste. La Suisse a sans doute pensé aussi que l’exposition de son bétail suffisait. Le royaume de Saxe est représenté par la plus belle de ses productions agricoles, la laine fine de la célèbre race ovine de Negretti. L’Allemagne rhénane a envoyé ses épeautres en grains et en farines, ses tabacs, ses chanvres, ses vins du Rhin, ses houblons, son kirch de la Forêt-Noire, ses eaux-de-vie de grains, de prunes, de pommes de terre, ses sucres et alcools de betterave, car cette industrie française y est maintenant naturalisée ; la Lombardie, ses riz, ses maïs, ses soies et ses