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fond de la culture est ailleurs, et il faut bien que nous l’ayons négligé, puisque nous n’arrivons pas au but.

Quelques nouvelles plantes ont fait cette année leur apparition. Au premier rang, il faut placer le sorgho à sucre, rapporté de Chine par M. de Montigny, consul de France à Sanghaï, et qui est déjà devenu l’objet d’essais fort sérieux. On s’en est beaucoup occupé dans le Var et les Bouches-du-Rhône : M. Sicard de Marseille a exposé du sucre, de la mélasse, du vin, de l’eau-de-vie, du vinaigre et du cidre de sorgho ; que dis-je ? il y a encore de la farine, de la fécule et de la semoule de sorgho, et pour mettre le comble aux qualités de cette plante encyclopédique, de l’acide sorghique, du carmin, de la sépia, des teintures diverses sur soie et laine avec des couleurs tirées du sorgho. Voilà, j’espère, un brillant début. On raconte que Parmentier, voulant populariser la pomme de terre, donna un jour un grand dîner, dont ce tubercule avait fait tous les frais depuis le potage jusqu’au dessert. M. Sicard va du premier coup plus loin que Parmentier. Nous verrons ce que deviendront ces espérances. Le sorgho sucré est une espèce de millet à balai qui s’élève à deux mètres de hauteur, et dont la culture ne paraît pas difficile. Son acclimatation n’est pas douteuse. On en a semé sur plusieurs points de la France, et il est venu partout. Ses tiges produisent la matière sucrée ; la matière farineuse est contenue dans ses graines. Il est depuis longtemps connu des nègres de la Sénégambie, qui en tirent à la fois des liqueurs enivrantes et des bouillies alimentaires, d’où l’on peut conclure qu’il réussira surtout en Afrique.

Nous devons encore à M. de Montigny, outre les yaks, ces bœufs à toison laineuse du Thibet, qu’on tente en ce moment de naturaliser dans les montagnes du Jura, une nouvelle racine, l’igname de Chine, qui pourra, dit-on, remplacer la pomme de terre, si la maladie ne s’arrête pas. Des expériences faites au Jardin des Plantes paraissent avoir réussi. « Cuite sous la cendre, dit M. Decaisne, elle prend une consistance qui rappelle par l’aspect et la saveur la meilleure pomme de terre ; par la dessiccation, il sera facile de la convertir en une véritable farine, portant avec elle un gluten qui manque à la fécule. » Je ne demande pas mieux que de croire à tous les mérites de ces nouvelles acquisitions. Je doute cependant que le sorgho sucré vaille beaucoup mieux que le maïs, qui vient dans les mêmes conditions, et l’igname de la Chine aura quelque peine à dépasser le topinambour, qui remplace très bien la pomme de terre, au moins pour les animaux. Le directeur de la ferme-école de Beyrie (Landes) affirme avoir obtenu 100 hectolitres de maïs à l’hectare ; j’ai moi-même compté 700 grains sur des épis envoyés à l’exposition.

J’ai parlé immédiatement de la France en quittant la