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LA DUCHESSE


DE CHEVREUSE




PREMIERE PARTIE.


MADAME DE CHEVREUSE ET RICHELIEU.




Si les lecteurs de la Revue ne sont pas fatigués de nos portraits de femmes du XVIIe siècle, nous voudrions bien leur présenter encore deux figures nouvelles, également, mais diversement remarquables, deux personnes que le caprice du sort jeta dans le même temps, dans le même parti, parmi les mêmes événemens, et qui, loin de se ressembler, expriment pour ainsi dire les deux côtés opposés du caractère et de la destinée de la femme : toutes deux d’une beauté ravissante, d’un esprit merveilleux, d’un courage à toute épreuve ; mais l’une aussi pure que belle, unissant en elle la grâce et la majesté, semant partout l’amour et imprimant le respect, quelque temps l’idole et la favorite d’un roi, sans que l’ombre même d’un soupçon injurieux ait osé s’élever jusqu’à elle, fière jusqu’à l’orgueil envers les heureux et les puissans, douce et compatissante aux opprimés et aux misérables, aimant la grandeur et ne mettant que la vertu au-dessus de la considération, mêlant ensemble le bel esprit d’une précieuse, les délicatesses d’une beauté à la mode, l’intrépidité d’une héroïne, la dignité d’une grande dame, par-dessus tout chrétienne sans bigoterie, mais fervente et même austère, et ayant laissé après elle une odeur de sainteté ; l’autre, peut-être plus séduisante, d’une grâce et d’une vivacité irrésistible, pleine d’esprit et fort ignorante, jetée dans toutes les extrémités du parti catholique et ne pensant