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ces proclamations emphatiques et ridicules, ces plans opposés les uns aux autres, ces créations de gouvernemens éphémères, ces décrets arbitraires et irréfléchis qui remplissent les journaux de Mexico et des provinces. Il suffit donc de recueillir quelques traits de la situation qui touchent aux rapports extérieurs du Mexique, et qui peuvent inspirer des doutes sur le maintien de son indépendance.

Depuis plusieurs années déjà, les questions de tarifs se lient aux mouvemens révolutionnaires dont ce pays est le théâtre. Celui que Santa-Anna avait trouvé en vigueur à son retour au pouvoir était un tarif fort libéral, promulgué après la chuté d’Arista par un président intérimaire, M. Cevallos, homme de mérite et de résolution, et qui a conservé son nom. Santa-Anna, qui avait à ménager d’autres intérêts que ceux du commerce étranger, ne jugea pas à propos de le maintenir et lui substitua un ensemble de droits de douane plus élevés, qui affaiblirent beaucoup sa popularité à Vera-Cruz et sur d’autres points du littoral. Aussi n’est-il pas étonnant qu’un des premiers actes des autorités révolutionnaires dans les provinces ait été le rétablissement du tarif Cevallos. Alvarez est allé plus loin pour le port d’Acapulco ; il a encore abaissé ce tarif de 12 pour 100. Il est possible qu’un jour, si cet état de choses dure, l’abaissement des droits profite au commerce étranger, et cependant peu importent des droits plus ou moins élevés, si l’anarchie aggrave et perpétue la misère du Mexique ! Mais en attendant, ces brusques variations de tarif portent un grand préjudice aux opérations commerciales. Des marchandises qui ont payé 10, 25 pour 100 de droit d’entrée, ne peuvent lutter aujourd’hui contre celles qui n’en auront supporté que 5 il en résulte donc une injustice flagrante au désavantage des uns, au profit des autres, et si l’on ajoute qu’une partie des droits de douane sert de gage à certaines créances étrangères en vertu de conventions internationales, il est aisé de pressentir les difficultés auxquelles peuvent donner lieu de pareils changemens opérés sans ménagemens pour des intérêts considérables. La révolution, ou la réaction contre les mesures du gouvernement de Santa-Anna, a été signalée à Mexico par un autre acte dont les étrangers auront beaucoup à souffrir, l’abolition du code et du tribunal de commerce, qui rendaient des services généralement appréciés, et qui constituaient pour les négocians une des meilleures garanties contre la vénalité, le désordre et la mauvaise foi. Un journal français de Mexico, qui a chaudement épousé la cause révolutionnaire, n’a pu cependant dissimuler combien était fâcheuse cette résolution fort arbitraire d’un gouvernement contesté, car c’est un simple commandant militaire, le général Diaz de la Vega, qui a sacrifié le tribunal de commerce aux rancunes intéressées des hommes de loi du pays. Si maintenant on se représente tout ce que la guerre civile, les emprunts ou contributions forcées, les réquisitions de toute espèce ordonnées par les autorités insurrectionnelles, peuvent amener de vexations contre les étrangers, d’exigences contraires aux traités, de violences matérielles, dont personne ne voudra être responsable, on verra que les tristes événemens dont le Mexique est le théâtre doivent appeler la sérieuse attention des puissances européennes. Mais il y a un autre côté par lequel cette révolution touche au grand intérêt de l’équilibre général dans le monde, c’est l’occasion qu’elle donne à la politique des États-Unis de peser d’un grand poids, d’un poids