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ont le mérite de reproduire dans un cadre restreint quelques-uns des aspects de la vie rustique. Il y a un sentiment très réel et très exact de la nature des mœurs des paysans, de la simple et forte originalité des campagnes ; mais ce sont là, il faut l’ajouter, des germes encore plus qu’une œuvre véritable. En général, dans une infinité de ces essais, de ces contes ou de ces romans, de quelque nature qu’ils soient, à quelque genre qu’ils appartiennent, une chose est trop souvent absente : c’est l’esprit, c’est la sûreté et la finesse de l’observation, la sève ingénieuse, en un mot tout ce qui fut une qualité, un don de l’intelligence littéraire en France. Des contes amusans, d’une vive et libre observation, cela n’est point si commun, et c’est ce qui fait le prix des Récits d’hier et d’aujourd’hui, de M. de Valbezen. L’auteur est-il réaliste ? est-il à la recherche de l’idéal ? Il s’en préoccupe peu visiblement. C’est un conteur de verve et d’esprit, qui a beaucoup vu, qui connaît les mœurs de son temps et qui les peint, non sans mettre en relief, avec une sorte de liberté humoristique, les ridicules des hommes. Tels sont ces récits ou ces proverbes de la Queue du chien d’Alcibiade, de la Retraite des dix mille, et de la Veillée au château. L’auteur vous conduira d’un salon de Paris au cap de Bonne-Espérance ou dans l’Inde, et il amuse par la variété et la vivacité du récit, comme d’autres fatiguent par la lourdeur et la monotonie.

Revenons de ces scènes de l’imagination à la réalité des faits publics, aux agitations politiques dont le Nouveau-Monde a toujours sa part. L’ordre est loin de se rétablir dans la malheureuse république mexicaine ; la révolution s’y prolonge au contraire avec son cortège ordinaire de désastres, de corruptions et de mensonges, mais surtout cette fois avec un caractère de grossièreté barbare qu’elle tient du principal élément qui y domine, l’ascendant du général Alvarez et de son armée, ramas d’Indiens ou de pintos du sud, à moitié sauvages comme leur chef. Voilà pourtant où en est arrivé un grand pays qui a eu toutes les prétentions de la civilisation la plus avancée ; voilà ce qu’est devenue une société polie à la surface, la plus brillante que les Espagnols aient établie et laissée sur le continent américain ; Un vieux métis ignorant et cruel, connu depuis longtemps au Mexique sous le nom de la Panthère du Sud, qui s’était fait dans l’état d’Acapulco une espèce de souveraineté tyrannique, et qui s’est révolté quand le gouvernement central s’est cru assez fort pour lui demander des comptes, est l’arbitre des destinées de son pays ; il traîne à sa suite quelques milliers de soldats improvisés, demi-nus, mal armés, indisciplinés, sans organisation militaire ; il affiche lui-même un égal mépris pour toutes les habitudes, pour tous les goûts de la civilisation ; il n’a aucune idée de politique ou d’administration : c’est la force brutale pure. Et néanmoins cet homme est le drapeau des démocrates mexicains. Les autres chefs de la révolution, un seul excepté peut-être, dont nous parlerons tout à l’heure, transigent avec lui. Il sera maître de la capitale avant eux, et c’est sous ses auspices que se réunira un congrès chargé de constituer le Mexique pour la vingtième fois depuis trente-cinq ans. On ne peut pas tomber plus bas.

Quant aux événemens, ils ont, chacun pris en lui-même, trop peu d’importance, et ils offrent trop peu d’intérêt, comme la plupart des noms, obscurs hier et destinés à le redevenir demain, qui y figurent, pour que nous essayions de les raconter. Nous n’avons d’ailleurs aucun goût à enregistrer