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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 novembre 1855.

Nous entrons dans une saison où l’opinion européenne va se trouver pendant quelques mois en présence de deux faits simultanés. Les opérations militaires subiront forcément quelque interruption, et l’interruption de la guerre laissera tous les bruits de paix se produire, comme ils se sont produits déjà, il y a peu de jours, avec une persistance à laquelle il n’a manqué que d’être mieux fondée. Ce n’est pas que la suspension de la guerre soit nécessairement absolue et complète ; à Sébastopol même, le feu continue entre le nord et le sud ; sur d’autres points, les hostilités n’ont point cessé. Kinburn est occupé, et de là nos forces menacent Kherson ou Nicolaïef ; le contingent turc levé par l’Angleterre a été envoyé à Kertch ; de puissans moyens d’action ont été concentrés à Eupatoria. Enfin, sur la Tchernaïa, les alliés sont prêts à combattre, tandis que les soldats du tsar se retranchent dans leurs positions et semblent n’avoir pas perdu tout espoir de disputer le terrain : de telle façon que d’un instant à l’autre un choc peut éclater, soit que l’armée russe cherche encore une fois à briser le cercle qui l’enveloppe, soit que les armées alliées prennent elles-mêmes l’offensive. Rien n’indique d’un autre côté que l’hiver, ce tout-puissant médiateur, ne puisse être favorable à la paix. Il faut espérer au contraire qu’il en sera ainsi ; mais tout ce qu’on a pu dire jusqu’à ce moment ne reposait sur aucune présomption sérieuse : c’est une fausse lueur qu’on a laissé briller. Après tout ce qu’elles ont fait, après les efforts immenses et victorieux qu’elles ont accomplis, la France et l’Angleterre ont le droit d’attendre sans précipitation comme sans inquiétude les effets des coups qu’elles ont portés, et le témoignage direct, irrécusable, de dispositions plus conciliantes de la part du cabinet de Pétersbourg. La Russie laissera-t-elle s’écouler ces heures précieuses de l’hiver sans faire des propositions acceptables ? C’est son secret, fort bien gardé jusqu’ici.