Le second perfectionnement, dû au même inventeur, semble pouvoir résoudre l’important problème de la conservation économique des viandes réduites à un moindre volume, tout en évitant les obstacles, non surmontes jusque-là, que présentent les différens procédés de la dessiccation. Ce n’est pas seulement en effet la difficulté de dessécher la chair musculaire des animaux qui empêcherait de conserver en grande quantité sous cette forme la substance alimentaire. On y parviendrait tout aussi bien que les habitans des chaudes régions de l’Amérique méridionale. Comme eux, on pourrait découper, à l’aide de couteaux acérés, et mieux encore mécaniquement, les quartiers de bœuf en minces lanières qui, saupoudrées de farine grenue de maïs, se dessèchent suspendues à l’air sur de longues tiges de bambous horizontalement disposées. Nos étuves à courans d’air chauds et gradués remplaceraient avec avantage l’insolation à température inégale de ces contrées. Toutefois ici, de même que dans les llanos, où le tasajo[1] se prépare, on n’obtiendrait, par ce moyen, de la chair des bœufs que des lanières coriaces, tellement sèches et dures, que la libre contractée ne sentit plus apte à reprendre les 75 centimètres d’eau qu’elle aurait perdus. On comprend que cette matière, susceptible de fournir un bouillon assez agréable, mais gardant elle-même une consistance dure et fibreuse, constitue une nourriture précieuse dans les contrées à demi sauvages, chez les nègres du Choco et dans tous les districts aurifères du Pérou ; mais certainement on ne saurait faire accepter chez nous des mets aussi peu appétissans, pas plus que dans bien d’autres états où la civilisation est très avancée, et où, comme nous l’avons dit précédemment[2], la population peu aisée, livrée à des travaux manuels dans les villes, tient même à consommer du pain blanc de première qualité.
Ainsi donc la dessiccation de la viande, ne donnant que des produits peu agréables à manger, n’offre pas la solution du problème de l’importation des viandes tirées des immenses prairies de l’Amérique du Sud, où l’espèce bovine, introduite par les espagnols, a’est multipliée avec une rapidité prodigieuse. Le procédé d’Appert pourra sans doute, avec ses améliorations récentes, s’y appliquer utilement, mais il serait trop dispendieux peut-être, si l’on n’y ajoutait un dernier perfectionnement qu’il nous reste à décrire, et qui paraît aussi facile à exécuter qu’il est efficace dans ses résultats. On découpe la chair à dessécher en bandelettes de trois centimètres d’épaisseur, on les place sur des canevas tendus entre des châssis mobiles. Un courant d’air lancé par un ventilateur, et dirigé en sens contraire de