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centre au point d’élever la température à 100°, la fermentation, au bout d’un certain temps, pourra se produire ; elle se manifestera par les gaz qu’elle engendre, et en exerçant ainsi sur les parois planes des boîtes une pression interne assez forte pour les bomber, parfois même pour les faire éclater avec explosion.

Tel » sont les accidens survenus, et dont la sagacité des inventeurs s’est appliquée à prévenir le retour. Plusieurs sont arrivés au même but, ou à peu près, par divers moyens. L’un des procédés les plus simples et des premiers mis en usage consiste à mettre dans l’eau du bain-marie du sel marin seul ou mélangé avec du sucre ordinaire ou de fécule (glucose). Le liquide, ainsi rendu plus dense, s’échauffe davantage avant de bouillir ; la température peut être portée à 105 ou 108° dans des circonstances où l’eau pure n’atteindrait que 100". Il en résulte que la température, dans l’intérieur des boites, dépasse 100° ou détermine l’ébullition, si on laisse pour le dégagement de la vapeur une petite ouverture que l’on ferme ensuite par un grain de soudure lorsque tout l’air est expulsé.

Une troisième modification, introduite, je crois, par le successeur d’Appert, consiste à fermer hermétiquement la chaudière bain-marie, après y avoir placé les vases. On peut en ce cas, bien que l’eau soit pure, élever la température au-dessus de 100 degrés, proportionner cette température à la qualité plus ou moins altérable des alimens, et régler à volonté l’opération à l’aide d’un manomètre, qui à tout instant signale le degré de température du bain-marie. Ce procédé, très expéditif, qui met à profit les données et les instrumens perfectionnés de la science, a permis de réaliser en quelques semaines les commandes du ministre de la guerre qui ont porté à nos armées d’Orient le secours inespéré de plus d’un million de rations alimentaires.

Un secours d’une pareille importance était fourni presque simultanément, et avec un désintéressement égal, à nos vaillans soldats de Crimée, par un autre manufacturier, grand propriétaire de cultures, inventeur de plusieurs perfectionnemens remarquables appliqués aussi au procédé d’Appert. L’un de ces perfectionnemens consiste à placer a l’état cru, dans les boites agrandies, de volumineux morceaux de bœuf, pesant 10 kilogrammes. Ces boites, pleines, soudées, chauffées de 106 à 110 degrés dans une chaudière autoclave, se gonflent par la vapeur interne au moment où le couvercle de la chaudière est enlevé ; un opercule pratiqué alors sur chaque boite laisse échapper la vapeur, entraînant avec elle l’air et les gaz. fin grain de soudure ferme aussitôt la petite ouverture, et le vide se trouve effectué dans la boite. Le bœuf ainsi préparé se conserve ; bien, sans être désagrégé par un excès de cuisson ; chauffé pendant deux heures avec addition de deux ou trois volumes d’eau, il fournit un excellent bouillon et un bouilli succulent encore.