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de cette invention remarquable. Cependant, il y a quelques années, sans qu’on en devinât la cause, des accidens en grand nombre semblèrent établir que les mêmes moyens étaient devenus insuffisans pour assurer la conservation des alimens les plus altérables, notamment de la viande de bœuf et des petits pois. Les fabricans de conserves, obligés de reprendre une grande partie des boîtes dans lesquelles la fermentation s’était déclarée, éprouvèrent des pertes considérables : menacés de ruine, ils s’adressèrent aux hommes de la science, firent eux-mêmes de nombreuses recherches, et parvinrent enfin à s’affranchir des entraves apportées à leur industrie. Plusieurs améliorations et applications nouvelles prirent naissance dans cette occasion. Avant de les décrire, il faut en peu de mots exposer le procédé primitif d’Appert et la théorie qui en explique les effets.

Les fermens contenus en germes dans tous les corps organisés ne peuvent acquérir leur énergie propre que sous l’influence de l’oxygène répandu dans l’air : semblables en cela aux séminules, aux graines et aux radicelles, qui ne peuvent germer et vivre sans rencontrer et respirer l’oxygène atmosphérique parmi les gaz ambians. L’analogie paraîtra plus grande encore si l’on se rappelle la belle découverte de M. Cagniard-Latour sur la nature de la levure de bière et de divers autres fermens, considérés aujourd’hui, d’après cet ingénieux observateur, comme de petits végétaux globuliformes microscopiques, doués d’une vie propre, capables de vivre, d’exercer leur action décomposante et de se multiplier au sein des liquides qui leur offrent les élémens de leur nutrition. Les germes des fermens ne peuvent se développer sans le contact de l’oxygène libre. Si l’on ajoute que la température élevée à un certain terme fait périr diverses séminules et plusieurs fermens, on aura complété la théorie donnée par Gay-Lussac du procédé d’Appert.

Ce procédé, dans toute sa simplicité primitive, est à la portée, des ménagères. Exécuté sur une vaste échelle en France, en Angleterre, en Allemagne, il consiste à placer dans des vases en verre ou des boîtes en fer-blanc les substances alimentaires préalablement soumises à une coction légère. Les vases une fois remplis, bouchés ou soudés hermétiquement, ils sont introduits dans un bain-marie d’eau, que l’on chauffe durant quinze, trente ou quarante-cinq minutes à l’ébullition ; on laisse refroidir, et l’opération est terminée. En effet, les fermens développés en faible proportion pendant que l’on prépare les substances à conserver sont détruits, et le peu d’air emprisonné avec ces substances perd son oxygène libre, qui, sous l’influence d’une température de 100°, se combine aux matières organiques les plus altérables. Mais si l’on agit trop lentement durant les saisons chaudes, où toute fermentation est active, si de plus les vases sont trop volumineux pour que la chaleur pénètre dans le