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DE LA


CRITIQUE MODERNE


A PROPOS DE


LA COMEDIE ANTIQUE




Ménandre, par M. Guillaume GUIZOT.




La littérature de notre temps est comme sa politique : elle a commis tant d’erreurs et donné tant de mécomptes, qu’on est peu disposé à la juger avec indulgence, et elle a sa grande part des rigueurs de cette misanthropie que nos malheurs ont mise à la mode. Ce qu’on craindrait le plus aujourd’hui, ce serait de paraître admirer quoi que ce fût, car l’admiration engage à quelque chose, et désormais qui s’engage se croit dupe. Il vaut mieux ne rien promettre pour n’avoir point à s’acquitter, et ne rien affirmer pour n’avoir rien à soutenir. Les hommes de talent qui brillent encore parmi nous doivent donc se résigner à un peu d’indifférence et s’abonner à quelque injustice. On n’a nulle envie de s’enrôler à leur suite ni de rompre des lances pour eux, car les lances se brisent, et l’on se pique aux tronçons. Ce serait d’ailleurs une grande inconséquence que de se laisser éprendre d’un mérite intellectuel quelconque à une époque où il est convenu que l’intelligence a fait tant de mal. Que ne pourrait-il pas arriver, si par aventure on s’échappait jusqu’à reconnaître que tout n’est pas déchu dans le domaine de l’esprit, qu’on peut encore, par exemple, écrire et penser après le XVIIe siècle, et que l’imagination