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ferme conviction. En voilà bien assez pour faire comprendre le mérite épisodique de Basil.

M. Wilkie Collins, maintenu dans sa nouvelle voie, et par les suffrages des vrais connaisseurs, et par ceux d’une masse de lecteurs auxquels Antonina n’était certainement pas parvenue, aurait été assez mal avisé, après le succès de son second roman, de tenter une nouvelle excursion dans le domaine historique. Aussi son troisième ouvrage (Hide and Seek) est-il encore un roman d’intrigue, une peinture des mœurs présentes. Nous ne le rangerons pas au niveau de Basil, bien que M. Wilkie Collins s’y montre encore conteur aimable et observateur pénétrant ; mais l’ouvrage est en somme trop faiblement conçu, et d’après les règles d’une poétique trop longtemps mise en œuvre, pour intéresser très vivement. Une jeune fille séduite, abandonnant le toit paternel après avoir été abandonnée de son séducteur ; une enfant qu’elle a mise au monde, et qu’elle lègue, mourant peu après, à de charitables saltimbanques ; cette enfant devenue plus tard la fille adoptive d’un honnête artiste, qui, pour s’assurer un droit exclusif à son affection, cherche autant qu’il est en lui à effacer toute trace du passé ; quelques indices sur l’origine de la jeune orpheline retrouvés par une espèce de sauvage arrivé de Californie, et qui poursuit cette trace avec ardeur ; les circonstances inattendues qui lui livrent, un à un, tous les secrets de cette origine si mystérieuse, et lui font retrouver, en fin de compte, l’enfant de sa sœur (sa propre nièce par conséquent) dans la belle jeune fille devenue la joie d’un foyer étranger ; les romanesques incidens qu’amène cette rencontre déjà si laborieusement préparée, — on conviendra sans peine avec nous que c’est une donnée un peu trop rebattue, que ce sont là des mobiles d’intérêt trop fréquemment employés. M. Wilkie Collins n’aurait pas dû se faire illusion là-dessus ; il aurait pu également se demander si, les situations étant données, tel ou tel de ses personnages pouvait se trouver en une passe suffisamment critique pour lui valoir la curiosité sympathique du lecteur. Enfin, en accumulant avec un arbitraire assez cavalier les circonstances purement fortuites qui amènent la révélation successive de tous les secrets qu’il a d’abord pris soin de représenter comme impénétrables, il lui était facile de voir qu’il ôtait à son acteur principal, — le revenant de San-Francisco, — le mérite d’une perspicacité hors ligne, qui seule aurait pu le grandir à nos yeux. C’était effectivement une idée assez originale que de jeter dans un milieu civilisé une sorte de Bas-de-Cuir, rompu aux stratagèmes de la vie des bois, et appliquant son habileté métisse à l’éclaircissement d’un mystère domestique, au lieu de l’employer à traquer le bison ou l’élan dans quelque prairie déserte ; mais alors, — cela tombe sous