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d’analogie avec le culte mosaïque. Cyrus fut reçu par eux comme un envoyé de Jéhovah, et introduit de plein droit dans la famille élue du peuple de Dieu,

On ne peut nier que les Perses ne se soient montrés assez libéraux envers Israël. Zorobabel, qu’ils rétablirent à la tête de la nation, était de la maison de David, et il n’eût tenu qu’aux Juifs de relever par lui leur dynastie nationale ; mais telle était leur indifférence politique, qu’après Zorobabel ils laissent sa lignée se continuer obscurément et ne reconnaissent plus d’autre pouvoir que celui du grand-prêtre, qui devient héréditaire. Israël suit de plus en plus sa destinée ; son histoire n’est plus celle d’un état, mais d’une religion. C’est le sort des peuples qui ont à remplir une mission intellectuelle ou religieuse sur les autres peuples, de payer de leur nationalité cette brillante et périlleuse vocation. Le génie grec n’a agi puissamment sur le monde qu’à une époque où la Grèce n’avait plus de rôle politique. On a très bien montré que la première cause de la perte de l’Italie a été la tendance universelle de l’Italie, ce primato qu’elle a en effet si longtemps exercé, et qui a fait que, voulant être maîtresse partout, elle n’a rien été chez elle. Qui sait si un jour les idées françaises ne rempliront pas le monde, quand la France ne sera plus ? Les nationalités qui tiennent fortement à leur sol, qui ne cherchent point à faire prévaloir leurs idées au dehors, sont chez elles très résistantes, mais elles ont peu d’action dans le mouvement général du monde. Pour agir dans le monde, il faut mourir à soi-même : le peuple qui se fait le missionnaire d’une pensée religieuse n’a plus d’autre patrie que cette pensée, et c’est en ce sens que trop de religion tue un peuple et contrarie un établissement purement national. Les Macchabées sont d’admirables héros, mais leur héroïsme n’excite pas en nous les mêmes impressions que le patriotisme grec et romain. Miltiade combat pour Athènes sans aucune arrière-pensée de théologie ni de croyance ; Judas Macchabée combat pour une foi et non pour une patrie, ou du moins la patrie est chez lui subordonnée à la foi. Cela est si vrai, que, depuis la captivité, le sol de la Palestine devient presque indifférent pour les Juifs. Leurs communautés les plus florissantes, les plus éclairées, les plus pieuses sont répandues dans les régions les plus éloignées de l’Orient.

Une dernière épreuve cependant attendait Israël, et peut-être la plus dangereuse de toutes, — je veux dire la contagion de la civilisation grecque, qui, à partir d’Alexandre, envahit toute l’Asie. Le premier devoir du peuple, juif était l’isolement. Ce devoir, il avait pu le remplir sans trop de peine en présence de l’Égypte, de la Phénicie, de l’Assyrie : la Perse avait exercé sur le tour de son imagination une assez forte influence ; mais, grâce à une singulière analogie d’institutions