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indigènes de l’Asie occidentale et méridionale depuis l’Euphrate. À la race indo-européenne appartiennent presque tous les grands mouvemens militaires, politiques, intellectuels de l’histoire du monde ; à la race sémitique, les mouvemens religieux. La race indo-européenne, préoccupée de la variété de l’univers, n’arriva pas d’elle-même au monothéisme. La race sémitique au contraire, guidée par ses vues fermes et sûres, dégagea tout d’abord la Divinité de ses voiles, et, sans réflexion ni raisonnement, atteignit la forme religieuse la plus épurée que l’humanité ait connue. Le monothéisme dans le monde a été l’œuvre de l’apostolat sémitique, en ce sens qu’avant l’action et en dehors de l’action du judaïsme, du christianisme et de l’islamisme, le culte du Dieu unique et suprême n’arriva point à se formuler nettement pour la foule. Or ces trois grands mouvemens religieux sont trois faits sémitiques, trois rameaux du même tronc, trois traductions inégalement belles de la même idée. Il n’y a que quelques lieues de Jérusalem au Sinaï et du Sinaï à La Mecque.

Quand et comment la race sémitique arriva-t-elle à cette notion de l’unité divine que le monde a admise sur la foi de sa prédication ? Je crois que ce fut par une intuition primitive et dès ses premiers jours. On n’invente pas le monothéisme : l’Inde, qui a pensé avec tant d’originalité et de profondeur, n’y est pas encore arrivée de nos jours ; toute la force de l’esprit grec n’eût pas suffi pour y ramener l’humanité sans la coopération des peuples sémitiques. On peut affirmer de même que ceux-ci n’eussent jamais conquis le dogme de l’unité divine, s’ils ne l’avaient trouvé dans les instincts les plus impérieux de leur esprit et de leur cœur. Les premières religions de la race indo-européenne paraissent avoir été purement physiques. C’étaient de vives impressions, telles que celles du vent dans les arbres ou les roseaux, celles des eaux courantes, celles de la mer, qui prenaient un corps dans l’imagination de ces peuples enfans. L’homme de la race indo-européenne n’arriva pas aussi vite que le Sémite à se séparer du monde. Longtemps il adora ses propres sensations, et, jusqu’au moment où les religions sémitiques l’initièrent à une notion plus élevée de la Divinité, son culte ne fut qu’un écho de la nature. La race sémitique, au contraire, arriva évidemment sans aucun effort à la notion du Dieu suprême. Cette grande conquête ne fut pas pour elle l’effet du progrès et de la réflexion philosophique : ce fut une de ses premières aperceptions. Ayant détaché beaucoup plus tôt sa personnalité de l’univers, elle en conclut presque immédiatement le troisième terme, Dieu, créateur de l’univers. Au lieu d’une nature animée et vivante dans toutes ses parties, elle conçut, si j’ose le dire, une nature sèche et sans fécondité. Qu’il y a loin de cette rigide et