fidèles, et il se trompe. Ce que j’ai dit en effet du Laocoon, je pourrais le dire avec une égale justesse du Moïse, du Penseur, du Jour et de la Nuit. Le Moïse de Saint-Pierre-aux-Liens, quoi qu’on puisse dire de l’ajustement des draperies, qui n’est peut-être pas d’un très bon goût, est un prodige de science. Il n’y a pas un morceau de ce bel ouvrage qui ne soit un sujet inépuisable d’étude, et sans sortir de Paris on peut s’en assurer, car nous possédons à l’École des Beaux-Arts un plâtre moulé sur le marbre de Rome. Les bras et les mains sont de véritables chefs-d’œuvre au point de vue de la vérité. On peut dire sans exagération que tout homme capable de les copier fidèlement possède en son entier la pratique de la statuaire. Dans le bronze de M. Barbedienne, la science disparaît, et nous n’avons plus que le mouvement de la figure. Ces admirables phalanges, si nettement détachées, sont simplifiées outre mesure. Pourquoi et comment en est-il ainsi ? L’ajustage et la ciselure répondent à cette question. Ce qui est vrai pour le Laocoon n’est pas moins vrai pour le Moïse. Infidélité fatale de la réduction, infidélité de la fonte, voilà les deux causes premières du défaut que je signale ; puis, sous prétexte d’enlever les bavures, le ciseau, la lime et le rifloir achèvent la trahison commencée.
Une objection d’une autre nature se présente d’ailleurs à tous les esprits éclairés : est-il sage de confier au bronze la reproduction des œuvres exécutées en marbre ? Pour ma part, je ne le pense pas, et je crois que tous les statuaires sont de mon avis. Pour l’expression de la pensée, le choix de la matière n’est pas indifférent. Telle conception qui s’accommode du paros ou du carrare ne s’accommode pas de l’airain. Voyez plutôt la Vénus de Milo, qui est à coup sûr une des meilleures réductions faites par le procédé Collas. En plâtre, elle conserve encore la meilleure partie de son charme et de sa puissance ; fondue en bronze, elle change d’accent, elle n’a plus la mollesse voluptueuse que nous admirons au musée du Louvre. Quel que soit l’auteur de ce divin ouvrage, qu’il s’appelle Lysippe ou Polyclète, je n’hésite pas à dire que si, au lieu de le tailler dans un bloc de marbre, il eût résolu de le confier au métal de Corinthe. Il aurait adopté un autre parti. Les Florentins les plus habiles viennent à l’appui de mon opinion. Toutes les fois qu’ils ont choisi le bronze pour interprète, ils ont modifié leur manière, et le succès leur a donné raison.
Je ne saurais non plus approuver l’emploi des portes du baptistère de Saint-Jean et des figures allégoriques de la chapelle de Médicis pour la décoration d’un meuble. Une pareille idée n’est à nos yeux qu’une maladresse. Toute œuvre a sa destination naturelle, et je ne comprends pas qu’on choisisse les figures d’un tombeau, les portes