Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/709

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans les insurrections de l’Épire contre le sultan. La Turquie, tenant l’épée d’une main, travaille péniblement de l’autre à réformer ses institutions intérieures. L’Espagne plie sous le poids d’une révolution impuissante à se régler et à se définir elle-même. Au-delà de l’Océan, ce sont d’autres événemens, les tentatives ambitieuses des États-Unis, les révolutions et les guerres civiles au sein desquelles se débattent les républiques sud-américaines. Partout c’est l’agitation et l’incertitude.

Un des pays les plus éprouvés dans cette période à peine achevée, c’est L’Espagne assurément, et ici l’histoire qui se clot n’est que Le commencement de l’histoire qui se continue. Il y a quelques mois, les cortès suspendaient leurs travaux à Madrid ; elles les ont repris il y a peu de temps. À quoi a servi cette interruption, qui pouvait exercer une influence favorable ? Kilo a une trêve, une halte. Aucune des difficultés de la situation de la Péninsule ne s’est trouvée résolue cependant, et il est venu s’y joindre un fléau terrible, le choléra, pour l’appeler par son nom, qui parait exercer son effet sur les législateurs comme sur le reste de la population à Madrid, car l’assemblée s’est réunie à peine depuis que la session s’est rouverte. Le gouvernement, de son côté, est peu pressé d’appeler les cortès sur le terrain des discussions politiques, par cette circonstance particulière que la plupart de ses partisans sont encore dans les provinces, tandis que ses adversaires sont à Madrid. L’opposition aujourd’hui parait se former du parti démocratique et de ce qu’on a nommé les progressistes purs. La tactique de cette opposition n’est point nouvelle ; c’est celle qui a été constamment employée depuis un an. On a voulu d’abord proposer un vote de défiance contre le ministère tout entier, puis on a essayé de détacher le duc de la Victoire de ses collègues en l’absolvant de toute censure. Le président du conseil semble avoir refusé d’accepter le bénéfice de cette amnistie. La force du gouvernement réside donc tout entière, comme par le passé, dans l’alliance des généraux Espartero et O’Donnell. Malheureusement, on le sait, cette alliance a pour ainsi dire un caractère négatif, en ce sens qu’elle protège le gouvernement contre toute crise, mais qu’elle ne lui donne pas l’autorité et l’union nécessaires pour agir, pour prendre vigoureusement en main les affaires du pays. Extérieurement, la grande question aujourd’hui est celle de l’accession éventuelle de l’Espagne à l’alliance occidentale. Cette question est peut-être résolue dans l’esprit du cabinet, ou du moins du général O’Donnell. On pourrait le présumer d’après les témoignages récemment donnés par le gouvernement de la reine aux généraux alliés, et encore plus d’après le projet présenté à l’assemblée sur le contingent de l’armée. Le général O’Donnell a laissé clairement entrevoir la possibilité de la coopération de FEspagne à la guerre ; mais il reste encore à transformer cette pensée en fait, à la soumettre aux cortès. Et ici quels adversaires rencontre l’alliance ? En Espagne comme partout, les premiers alliés de la Russie sont 1rs révolutionnaires. Déjà même l’un des chefs du parti démocratique a commencé le feu contre les puissances occidentales, tant ces fiers tribuns sont les jaloux défenseurs de la civilisation !

Rien n’est plus curieux du reste que d’observer le retentissement de cette grande crise dans les divers pays du monde, de voir quels auxiliaires ou quels amis inattendus trouve la Russie, quelles sympathies suivent les puis-