le drame va finir en cour d’assises. Ainsi se termine ce complot d’Angers, qui ressemble à une échauffourée de taverne encore plus qu’à une insurrection sérieuse.
Sans exagérer la portée de cette conspiration, ourdie par des mains vulgaires, il ne faut point méconnaître quelques indices révélateurs. L’existence des sociétés secrètes n’est point un fait nouveau sans doute. Jusqu’ici néanmoins cette lèpre s’était concentrée dans quelques foyers politiques, dans quelques villes d’industrie : elle n’avait point gagné les campagnes ; elle y arrive aujourd’hui. Et dans ces conciliabules secrets quels sont les instincts qui fermentent, quelles pensées sont entretenues ? Autrefois du moins on conspirait pour quelque idée ; dans l’égarement même des sectaires, il y avait parfois une certaine ardeur généreuse. Maintenant c’est pour les revendications les plus grossières que les affiliations s’organisent. On a pu voir la réponse qu’a obtenue le président des assises de Maine-et-Loire interrogeant l’une des fortes têtes parmi les insurgés de l’Anjou. « Nous sommes allés à Angers comme vous êtes allés à Sébastopol. » Voilà le dernier mot ! La citadelle ennemie pour ces obscurs fanatiques, c’est la société tout entière. Ils semblent ne plus vivre de la vie commune, ils abdiquent même le sentiment de la patrie, et feraient fléchir, s’ils le pouvaient, la main guerrière de la France. Or sait-on ce qui reste au bout de ces expéditions nocturnes ? Les pauvres dupes paient pour ceux qui les mènent. Toute une contrée est dans l’anxiété ; les familles perdent leurs chefs ou leurs enfans, sur qui vient peser l’expiation, et pour la société elle-même c’est une lumière de plus.
Pendant que ces déplorables complots se formaient loin de Paris, au sein d’une population dont les égaremens n’ont pas même l’excuse de la misère, le brillant foyer de la civilisation française recevait les illustres visiteurs qu’y ont appelés en quelques mois les combinaisons de la politique et l’attrait de l’exposition, qui touche à son terme. Aux souverains et aux princes ont succédé des hommes d’état qui, momentanément débarrassés du fardeau de leurs fonctions, n’ont cependant pas pu laisser à Francfort, à Munich et à Dresde les préoccupations habituelles de leur pensée, et dont le voyage à Paris est un événement en quelque sorte malgré eux : M. de Prokesch, par exemple, qui depuis a été nommé internonce d’Autriche à Constantinople ; M. de Beust, ministre des affaires étrangères du royaume de Saxe ; M. Von der Pfordten, chef du ministère bavarois. Ces deux derniers surtout, qui n’ont pas peu contribué à maintenir la confédération germanique dans une attitude insuffisante pour dissiper les illusions de la Russie, remporteront de ce qu’ils auront vu et entendu à Paris plus d’une impression salutaire. En même temps le général Canrobert se rend à Stockholm. Il y a dans cet ensemble de démarches significatives de quoi faire réfléchir le cabinet de Saint-Pétersbourg. C’est le vide qui s’opère de plus en plus en Europe autour de lui. Comprendra-t-il les conseils que lui donne son isolement ? L’hiver, qui va plus ou moins ralentir l’activité des opérations militaires, sera-t-il perdu pour un autre travail dont l’opinion publique interroge, avec une avide curiosité, quelques symptômes peut-être trompeurs ?
Ainsi les faits s’entremêlent, et notre temps marche, tantôt prodiguant sa force, tantôt laissant éclater ses faiblesses. Dans toutes les régions, dans toutes les sphères, il se poursuit un travail dont le dernier mot est un mys-